Un samedi de décembre, venteux et froid à souhait: voici l’occasion de chercher un peu de réconfort au Belvédère (Namur), pour le concert de l’«Alain Pire Expérience», et une salle (pré)chauffée à blanc par l’excellent Jungle Trip.
Commençons par le début: Jungle Trip ! Voici une belle brochette de musiciens, réunis pour le meilleur autour de morceaux largements psychédéliques issu des sixties et des seventies. Au répertoire: des reprises d’Iron Butterfly (In a Gadda Da Vida), Carlos Santana ou Chicago (un “I’m a man” aussi explosif que l’original – avec le soutien d’Alain Pire !)… Quelques belles compos, aussi, dans le même esprit.
A l’orgue Hammond: Michel, caché derrière ses petites lunettes noires et sa barbe à la Billy Gibbons (ZZ Top). Statique mais l’oeil alerte et d’une redoutable efficacité, une sorte de sosie de Panoramix rythme les morceaux avec maestria. Edwin, le guitariste au look de pirate, petit par la taille mais grand par les prouesses techniques de son jeu, décoche soli sur soli, tandis que Marc Hubert, géant déguingandé, imprègne les lyrics de sa voix chaude et rocailleuse. André, le chapeau de cuir vissé sur la tête, assure enfin l’équilibre sonore dans les graves, armé de sa Jazz Bass.
On ressent leur joie de jouer ensemble, la totale cohésion entre les membres du groupe, accentuée par l’exiguité de l’espace scénique. C’est vibrant, sans temps mort, sans faute de goût. J’aime ces gens, qui n’ont plus rien à prouver et qui se contentent, simplement, de jouer la musique qu’ils aiment et qu’ils adorent partager. Et il est certain qu’ils font mouche ! Ravigorant, comme un bon vin chaud au coeur de l’hiver…
Mais venons en à Alain Pire…
Et permettez-moi de commencer par une anecdote, certes ancienne et personnelle. Jeune guitariste, il y a… longtemps, il m’arrivait de fréquenter un magasin d’instruments de musique namurois (certains reconnaîtront les lieux, rue Dewez). Fauché mais soucieux d’élargir ma palette sonore, j’y essayais certaines pédales d’effet. Et inévitablement je m’entendais dire: “Celle-là est super: Alain Pire l’a achetée !”… Alain Pire… J’ignorais absolument qui était ce monsieur, mais il apparaissait (déjà) comme la référence indiscutable et incontournable dans le monde musical namurois !
Depuis, je l’ai découvert et suivi à travers ses différentes formations, nombreuses, et non des moindres ! Ex “Jo Lemaire + Flouze“, fondateur des “Révérends du Prince Albert“, membre de l’excellent “Such a noise“, leader de “Huy“, de “Michel Drucker Expérience“, guitariste d'”Abbey Road“, Docteur en Information et Communication avec une thèse sur le rock psychédélique anglais… Voilà un beau parcours de vie, de référence, entièrement dédié à la musique et au psychédélisme !
En 2014, sort le magnifique album “Cambridge“, premier opus d’une nouvelle formation éponyme: “Alain Pire Expérience“. Enfin, magnifique… Le contenu, plus que le contenant, nominé en France “La pire pochette de l’année 2014”. Les français ont-ils compris le second degré de l’exercice, hommage au “Jimi Hendrix Experience” et à ces pochettes psychés ayant fleuri en force à l’aube des seventies ? Pas sûr…
Véritable hommage à ces titres et ces groupes ayant fondé le “classic rock”, l’album s’avère, à l’écoute, un véritable petit bijou en lien parfait et direct avec l’écrin.
Mais le concert ?
D’abord, précisons que l'”Alain Pire Experience” est un trio. Un “power trio” ! La précision a son importance ! Lors d’une interview, Louis Bertignac, dont on connait le professionnalisme et la technique, expliquait la difficulté de la chose. Il faut remplir l’espace, assurer chant, rythmique et soli tout en faisant le spectacle. Il faut être explosif, et s’assurer des coéquipiers hors-pair ! Lui-même n’avait jamais osé s’y aventurer avant ses cinquante ans. C’est dire le challenge…
Et au final, Louis avait tout résumé, effectivement: les coéquipiers sont parfaits ! Avec Marcus Weymaere (drums) et René Stock (bass), le trio possède une base rythmique en béton armé. Punchy, catchy, boomy… Un jeu au feeling, où l’on sait se retenir ou, au contraire, mettre toute la gomme d’un simple regard. Ces gars y vont à fond et savent tenir un instrument.
Quant à Alain Pire, il assure le reste. Vaillant, explosif, nerveux, virtuose… Armé d’une “335” au splendide érable ondé, le namurois enchaine ses compos, avec un clin d’oeil amusé ou une anecdote en guise d’introduction. Sourire, aisance, puissance ! Plus encore que sur le cd, des morceaux comme “Cambridge” ou “On the Moon” explosent, au sein d’un set très cohérent. En rappel, notons un “Crossroad” digne des meilleurs moments de Cream.
Humble et sympa, ayant presque l’air de s’excuser, n’ayant, somme toute, plus rien à prouver, Alain Pire reste sans doute un des meilleurs guitaristes rock de Wallonie.
L’Experience se produit sur de nombreuses scènes, dans votre région. Ne manquez pas d’aller y jeter une oreille si les guitar-heros des seventies représentent pour vous la quintescence d’une époque où le “classic rock” était roi.