Dans la catégorie hors-norme, inclassable et aussi inquiétant qu’excitant, nous partons à la découverte des Français de SHAÂRGHOT. A la croisée d’un métal-industriel, d’un rock bodybuildé et de sonorités cyber-punk, le groupe complète son impressionnante identité artistique en l’imprégnant d’un sombre univers visuel postapocalyptique. C’est comme si Mad Max avait croisé un régiment de Nazgûls emmené par un Voldemort déglingué, accompagnés de Punish Yourself et Rammstein. Tout ce petit monde s’agitant alors bruyamment sur un dancefloor forcément sulfureux, à la frontière de la folie. De quoi s’assurer un vendredi soir de haut vol et mouvementé du côté de la paisible commune d’Ittre et de sa remuante salle de concerts du Zik-Zak.
Né de l’imagination du vidéaste Etienne Bianchi au début des années 2010, le monstre sonore et visuel de SHAÂRGHOT a petit à petit mais inexorablement gagné en puissance pour se faire une place au soleil dans l’ombrageux et diversifié paysage du métal made in france. De quoi aussi progressivement garnir une discographie aujourd’hui riche de tois albums tous aussi cataclysmiques les uns que les autres. Le projet bénéficie d’une solide réputation live, bien que trop peu reconnue selon nous. Cependant, les voitures garées sur le parking nous montrent que certains sont venus de loin ce soir puisqu’il y a pas mal de plaques immatriculées dans le Nord de la France.
La scénographie du projet s’articule autour de musiciens traditionnels (pour autant que ce terme puisse s’appliquer à SHAÂRGHOT) mais aussi d’une série de personnages qui répondent notamment aux doux noms de « Inquisiteur Kurgan », « Les Mantis » ou encore de « Judgement ». SHAÂRGHOT ne propose donc pas seulement une prestation live qui sème autant de chaos que d’excitation, il s’agit d’une vraie plongée en terres obscures et tourmentées, sorte de version steampunk et cyber du monde à l’envers de Stranger Things. Metallica et Kate Bush ne sont donc plus seuls à s’y disputer la playlist.

Lorsque nous pénétrons dans le Zik-Zak, la scène est éclairée d’une lumière verdâtre qui permet de scruter les 3 pieds de micro remplis de câbles, de tuyaux et d’appendices métalliques en tout genre, esthétiquement et hautement détaillés. Il n’y a en définitive que la batterie qui nous rappelle quelque chose de commun sur cette scène. Globalement, tout évoque en quelque sorte ce que bricolait visuellement Shaka Ponk à ses débuts, mais en version plus brute et sombre. Un type aux allures et au comportement d’Orque du Mordor se charge d ailleurs de peinturlurer les premiers rangs avec toute la délicatesse et la douceur qui caractérise cette créature en provenance directe de Tolkien et de sa trilogie du Seigneur des Anneaux. Il viendra également se fondre régulièrement dans le public au cours du concert.

20h50 sonne et c’est une véritable armée des ombres qui s’empare de la scène. En effet, l’ensemble des membres du groupe se présente avec la peau couverte d’une peinture noire aux reflets métalliques, offrant des jeux de lumières où les contrastes se font plus indécis qu’à l’habitude. Le frontman est torse nu et nous offre son plus glaçant sourire carnassier, toutes dents blanches dehors, complétant le tableau avec son chapeau melon et ses lunettes rondes et noires… avant d’éclater de rire de façon démoniaque dans son micro. Le batteur a quant à lui le visage dissimulé derrière un masque à gaz tandis que les autres musiciens semblent eux aussi s’être échappés d’un asile clandestin où zombies et autres créatures vivantes issues d’expérimentations scientifiques tordues et occultes cohabitaient jusque là. D’ailleurs le titre du dernier album, « Let me out », vient parfaitement compléter cette illustration.

De temps à autre, on voit également apparaitre sur scène d’hideux personnages qui semblent encore plus détraqués et tordus, sortes de caricatures zombifiées des pires déviances du genre humain. Il y a notamment un type qui jettent de faux dollars dans le public avant que nous assistions à la simulation de sa mise à mort, roué de coups par le chanteur. Les amateurs de matchs de catch auront apprécié. SHAÂRGHOT offre donc une prestation survoltée et théâtrale, sombrement grandiloquente, rappelant aussi par moment les grandes heures des concerts de Marilyn Manson à la croisée du deuxième et troisième millénaire. Le spectacle, on le trouve aussi dans la fosse où le pogo fait des ravages alors que sur le côté un mec qui remplit tous les critères visuels du bon père de famille du BW connait toutes les paroles par cœur, confirmant ainsi que l’habit ne fait pas forcément le moine. On trouve aussi au premier rang un jeune garçon d’une dizaine d’années tout au plus qui n’a probablement encore rien vu de plus génial dans sa vie jusqu’à ce soir. En fin de set, le batteur viendra d’ailleurs précautionneusement lui donner ses baguettes en le saluant personnellement.

Et musicalement, comment ça se passe ? Industriel, métal, rock, punk, electro, presque psy-trance par moment. Les riffs sont lourds, massifs et incisifs, la batterie martèle avec brutalité, les beats et sonorités électroniques font bouger les corps en rythme et le chant en anglais est nerveux et puissant. Les influences, sonorités et rythmiques sont multiples, se chevauchant pour faire émerger un brûlant cocktail dont le voltage est bien entendu déraisonnable et qui fait régulièrement basculer le pogo en dancefloor libéré de toute contrainte. Nous pourrions citer une longue liste de groupes issus de toutes ces scènes musicales alternatives comme références artistiques. SHAÂRGHOT puise, s’inspire et extrait d’influences artistiques musicales et cinématographies le plus souvent déjà à la marge ce qu’il y a de plus tordu et excitant à la fois pour faire naitre dans le réel cette unique et insaisissable entité et créature de science-fiction globale, aussi cauchemardesque que délirante et fascinante.




