Nous avons profité du week-end prolongé du 15 août pour prendre la direction de Mons et plus précisement de Baudour (Saint-Ghislain), commune située à quelques kilomètres de là. Le PARK ROCK y célébrait sa vingtième édition avec une programmation s’étalant sur 3 jours, du jeudi au samedi. Après une première soirée festive emmenée par Poulycrock et une journée du vendredi consacrée aux groupes de reprises orientés métal, c’est sur la dernière journée du samedi que nous avons jeté notre dévolu. Celle-ci proposait en effet aux festivaliers un panel diversifié du rock dans ses diverses déclinaisons, allant du punk au métal, en passant par du garage-rock et du blues suant, sans oublier de faire honneur aux terres sacrées du rock, à savoir l’Angleterre. De quoi ravir les amateurs de guitares électriques, de batteries et de basses dont la puissance d’ensemble est logiquement joyeusement déraisonnable.
C’est en milieu d’après-midi et sous un ciel qui restera désespérément gris que nous pénétrons dans le verdoyant parc communal de Baudour. Cela nous change des grandes plaines arides des poids lourds de la saisons des festivals. Nous sommes ici sur quelque chose à taille humaine et convivial, entre food-trucks, stands d’artisans et espace de repos (tout est relatif hein) à l’ombre des grands arbres du parc. Le tout s’articulant autour de l’unique scène et d’une surface générales aérée, ne donnant jamais l’impression d’être à l’étroit. Pas de folie des grandeurs donc du côté de Baudour, évitant ainsi les éventuelles dérapages financiers liés à un développement trop hâtif. Au programme de cette troisième journée du festival, on retrouve cinq groupes belges et deux groupes internationaux qui occupent le haut de l’affiche : The Subways et Tagada Jones. Nous y reviendrions.

Intéressons nous tout d’abord aux groupes « locaux » du jour. Après la prestation des Louviérois de THE RACKERS (que nous n’avons pas eu l’occasion de voir car nous étions sur la route à cet instant), c’est le trio liégeois de FERVENTS qui est le premier de la journée à nous envoyer ses riffs, sa fougue et ses décibels à la face dans la traditionnelle formule chant, guitare, basse, batterie. Leur style, quelque part dans le tumulte d’un punk-rock abrupte est assez convaincant, avec quelques passages bien costauds et inspirés rappelant par moment la folie débridée et frontale de LA JUNGLE. Particularité du trio : chacun y donne de la voix, offrant à cette occasion une diversité de couleurs sonores. Une chouette découverte à probablement découvrir aussi en salle pour voir ce que tout cela peut donner avec l’appui d’un lightshow.

Un petit passage par le bar pour se ravitailler en carburant houblonné et nous voici de retour devant la scène pour le set ultra-musclé de KOMAH. Durant une petite heure, ils vont eux aussi offrir une belle démonstration de leurs aptitudes à balancer des déflagrations électriques aux accents multiples, tabassant fermement là où il faut. En effet, le quintet nourrit sa musique d’influences puisées dans les méandres des sous-genres du métal. Ils en découlent un résultat plus que convaincant qui ne tourne jamais en rond et déroute positivement par moment les festivaliers. Ils invitent même SAULE (oui oui, le type géant qui fait de la pop francophone et qui a interprété un duo avec Charlie Winston il y a quelques années) le temps d’un titre. On connaissait les penchants rock du chanteur montois lorsqu’il monte sur scène mais celle-là on ne l’avait pas vu venir. Le résultat est là aussi plutôt convaincant avec une grosse puissance vocale au programme.

Place ensuite à un chapitre plus blues-rock avec les Carolos de SASHA AND THE LUNATICS. Nous n’avons personnellement pas spécialement accroché à leur set, question de feeling probablement, malgré là aussi quelques passages et riffs intéressants et saturés comme il faut. La puissante voix de leur chanteuse occupe une place majeure dans l’ensemble mais c’est peut-être aussi un mixage sonore qui a parfois tendance à la placer au-dessus des instruments qui nous a un peu freiné. On aura cependant apprécié l’audace et l’originalité d’une très réussite reprise du titre « Human » de Rag’n’Bone Man.

Le début de soirée s’amorce gentiment lorsque les Bruxellois de BLACK MIRRORS prennent possession de la scène du Park Rock, emmenés par leur charismatique chanteuse Marcella Di Troia. Le festival entre alors dans une autre dimension, plus puissante et plus massive. Les enceintes se mettent à dégouliner de riffs tous plus suants les uns que les autres, avec un son bien gras et abrasif. Black Mirrors occupe le terrain et ne laisse pas de répit aux festivaliers en maintenant une tension (forcément électrique) tout au long du set. Le groupe s’offre même le luxe et le culot d’une reprise du titre « Memory Remains » de Metallica, sorti en 1997 en duo avec Marianne Faithfull. Alors que Marcella enchaîne les postures et les pas de danse débridés, les musiciens sont quant à eux appliqués pour faire émerger toute la puissance de leurs instruments dans un registre entre blues-rock couillu et bouillant et garage-rock au son un peu crado et nerveux. Black Mirrors ne s’est pas construit une solide réputation live par hasard. Nous en avons encore eu la confirmation ce samedi soir.

La luminosité tombe doucement sur le Park Rock lorsque l’increvable trio anglais THE SUBWAYS par à l’assaut de la scène et de la plaine du festival qui se transforme rapidement en pogo euphorique. Véritable machine à produire des titres punk-rock aussi réjouissant que nerveux, The Subways continue à dépenser la même énergie sur scène qu’à leurs débuts il y a vingt ans. Chaque titre est accueilli avec enthousiasme par un public qui a fait tourné la discographie du groupe sur ses platines ou sur ses applications de streaming. Comme le bon vin, The Subways se bonifie avec le temps, proposant un son live plus massif et plus corosif alors que la voix de son chanteur, Billy Lunn, a gagné en maîtrise mais aussi en puissance. De l’autre côté de la scène, Charlotte Cooper, bassiste emblématique du groupe, continue à se comporter comme un lapin Duracell dont le circuit électrique est hors de tout contrôle. Le groupe semble prendre toujours autant de plaisir à harpenter les scènes, y mettant la conviction sincère qui va avec.

Tout au long du set, le groupe, qui affiche un très large sourire qui n’a rien de factice, s’adresse régulièrement au public dans un français élémentaire mais qui fait son effet sur des festivaliers impatients de pouvoir reprendre en choeur les refrains des titres phares du trio. La setlist a d’ailleurs été construitre en ce sens, comme une forme de compilations de singles et de titres clés de leur discographie. The subways en profite également pour y glisser un titre inédit. Dans l’euphorie générale, Billy Lunn oublie les paroles d’un couplet d’un titre qu’il a pourtant l’habitude de chanter depuis deux décennies. L’imparable hymne « Rock’n’Roll Queen » vient conclure dans la fureur un concert mené pied au plancher, le chanteur-guitariste s’offrant également un slam sur le dernier titre. « Young For Eternity », le titre du premier album du groupe sorti en 2005 n’était donc pas une promesse en l’air.

La nuit est maintenant tombée pour de bon sur le Park Rock lorsque les Français de TAGADA JONES arrivent sur scène. Face à eux, un public surexcité et prêt à en découdre commence déjà à s’agiter nerveusement. Véritable locomotive du punk-rock contestataire made in France depuis plus de 30 ans, Tagada Jones fédère un large public de fidèle. Il suffit de jetter un oeil sur la plaine pour s’apercevoir que les t-shirts à l’effigie du groupe sont le plus nombreux en ce samedi. Dès les premiers assauts électriques des musiciens, le pogo se fait très nerveux tandis que les premiers slammeurs sont réceptionnés par la sécurité. On voit même un photographe s’aventurer dans la mêlée, sans que son matériel ne subisse le moindre dommage, preuve du respect et de la bienveillance du public malgré le chaos et le désordre.

On retrouve chez Tagada Jones cette urgence qui caractérise le punk depuis ses origines, menant dès lors un concert sans ventre-mou ni baisse de régime, tout semblant être poussé à 110% en permanence. Le son est puissant, métallique, agrémenté de l’une ou l’autre bandes électroniques pré-enregistrées. Tout ça se déroulant sous un light-show lui aussi massif. Le son de Tagada Jones s’en va aujourd’hui chatouiller les cousins de Mass Hysteria et même certains penchants plus industriels que l’on retrouvait dans le passé chez Punish Yourself. Bref, ça bastonne ferme avec un flux de paroles envoyés lui aussi à une vitesse déraisonnable. La machine est drôlement bien huilée et efficace, peut-être même un peu trop. On regrette par moment le peu d’échanges entre le groupe et son public, celui-ci restant concentré sur la maîtrise du concert.

La fin du set vient finalement malgré tout contrecarrer cette première impression avec « Mort aux cons ». Ce titre, véritable hymne de résistance face à la montée du fascisme et de l’extrême droite, offre alors une enflammée communion entre le groupe et les festivaliers, avec son refrain entêtant et à hurler sans retenue. La poussière vole devant la scène, c’est viril mais correct. Pour conclure en beauté la soirée, Tagada Jones offre une reprise de « Cayenne » des regrettés Parabellum avant qu’une bande préenregistrée diffuse en boucle le titre-slogan des Berruriers Noirs : La jeunesse emmêrde le Front National ! Le Park Rock s’achève sur ces derniers décibels, clôturant avec panache une très réussie vingtième édition, aussi conviviale que professionnelle. Il ne nous reste plus qu’à remercier les organisateurs pour leur accueil et leur disponibilité ainsi que pour leurs photos qui illustrent cet article.