Alors que l’AB est littérallement prise d’assaut et monopolosiée pour 9 concerts (un record) du 28 avril au 8 mai par les hordes de fans néerlandophones de l’hyper-populaire Pommelien Thijs (chanteuse, actrice, mannequin tout bonnement inconnnue au Sud du pays), le Botanique, situé à quelques centaines de mètres de là, continue à accueillir pour sa part de nombreux concerts aux identitées musicales bien distinctes. La démonstration en est faite ce vendredi 2 mai avec des concerts organisés dans les 4 salles du Centre Culturel de la Communauté Française, allant du rap au blues en passant par l’électro-pop et de la dark/coldwave. 4 salles, 4 ambiances. C’est sur ce dernier courant musical venu de l’ombre que nous avons jeté notre dévolu avec l’affiche composée de LINEA ASPERA et de LUMINANCE en première partie. Le tout se déroulant dans l’élégante salle du Museum.
Nous retrouvons donc tout d’abord LUMINANCE, projet solo de Dea Hydra (Soror Dolorosa et Emptiness), tourné vers la synthpop et la darkwave. Ses compositions, habitées de mélancolie, créent des atmosphères sombres et émotionnelles, tout en laissant transparaître des éclats plus lumineux. Et de fait, derrière ses synthés, ses boîtes à rythme et avec une voix vodocodée (non ce n’est pas le même effet écœurant que l’auto-tune du type en claquette-chaussette qui vient de remplir le Stade de France), il embarque le public dans son univers à la croisée de certaines sonorités de Vive La Fête et de Dernière Volonté. Mais ce n’est pas tout, il y a aussi un petit quelque chose qui se rapproche de, attention accrochez-vous, Mylène Farmer et Indochine dans tout ça, affirmant ainsi son identité synthpop légèrement onirique mais forcément sombre. Tout ça est enrobé d’une rythmique qui fait osciller le public du Botanique.

Place ensuite à LINEA ASPERA. Le duo londonnien formé au début des années 2010 et composé de Zoè Zanias (chant) et de Ryan Ambridge (machines et synthés) prouve qu’il est possible de faire carrière dans le monde des musiques électroniques en y mettant une sacrée d’ose de son âme (sans la vendre au diable) et d’émotion. Comme tous les groupes de la mouvance cold et darkwave, les années 80 constituent une véritable corne d’abondance d’influences artisitques et sonores. Linea Aspera n’échappe par à la règle. Après une séparation/pause en 2013, le duo est revenu avec un nouvel album en 2020. Le concert de ce soir s’inscrit dans une toute petite série de 3 dates avec, en plus de la capitale belge, une date en France et une autre à… Berlin. Comme quoi, dès qu’on parle de musiques synthétique et de machines on finit toujours par se retrouver à poser les flight-cases du coté de la capitale allemande.

Le set démarre avec une basse vrombissante envoyée par Ryan Ambridge depuis sa table de mixage où de nombreuses machines et câbles s’entremêlent. Zoè Anias le rejoint ensuite sur scène et se pose devant le pied de micro placé au centre de la scène. Elle commence alors à chanter d’une voix glaciale et plaintive mais aussi élégament sensuelle et romantique. Avec son corps frêle et ses longs cheveux noirs, on pense à la froideur que pouvait dégager Vanessa Paradis à une certaine époque mais aussi à cet aspect doucement alièné d’Emma Stone dans le film « Poor Things ». Zoè Anias a également une sacré bougeotte et se débarasse bien rapidement de son pied de micro pour investir toute la scène, armée de son micro. Elle captive clairement toute l’attention alors que Ryan Ambridge agit en arrière-plan tel un architecte sonore pour construire chaque morceau à coup de couches sonores synthétiques analogiques et de beats froids parfois clairs, parfois lourds et sombres, cognant de temps à autre plus brutalement. L’ensemble est percutant mais ne sonne jamais de manière agressive.

Durant une grosse heure quart, le duo fait danser le Botanique avec ses compositions aux airs faussement disco, passées sous le spectre d’une fameuse glaciation sonore inspirée des années 80, comme un contre-pied aux paillettes et la superficialité qui sont les moteurs d’une partie du monde de la nuit plus mainstream. Les boucles hypnotiques cohabitent avec une techno sombre et brute plus linéaire, tout ça étant malgré tout adoucit et humanisé par le chant de Zoè Anias. Le lightshow n’est pas en reste : dynamique, jouant entre la pénombre et les ambiances blafadres et stroboscopiques. La fanbase du duo est conquise alors que les curieux et les défricheurs sonores semblent eux aussi satisfait du moment passé. Qui a dit que toute cette mouvance sonore à base de machines aux fonctionnements mystérieux n’avait pas d’âme et que son public était composé de dépressif qui font la gueule (le cliché) ? Oui, le noir domine mais il y a un réel enthousiasme et une passion bien vive qui animent tout ça, aussi bien sur scène que dans le public. Ce public réclame d’ailleurs un rappel qui ne viendra malheureusement pas. Ce soir, Linea Aspera vient de démontrer, une fois encore, que les Black Celebrations (en référence au titre de Depeche Mode) sont aussi fascinantes que remplies d’énergie, offrant de qualitative alternative aux prévisibles autoroutes du divertissement.