Nous avons rendez-vous dans les caves du Botanique et de son Witloof Bar ce vendredi soir. Au programme : THE DOUG, un jeune homme venu de Clermont-Ferrand pour nous présenter son second EP intitulé simplement “Jeune The Doug”. C’est avec un bagage riche d’influences musicales diverses qu’il est venu à la rencontre d’un public aussi nombreux qu’enthousiaste.
C’est en première partie d’Eddy de Pretto que nous avions fait la connaissance du Doug au printemps dernier à Forest National. C’est aujourd’hui en tant que tête d’affiche qu’il monte sur la scène du Witloof Bar. Il est accompagné de deux musiciens : un batteur et un guitariste à l’instrument bien électrisé. Et dès le début du concert, on est surpris par le coté hybride du projet. Impossible de classer le bonhomme dans une genre musical, aussi large soit-il. Sa musique, son style et son personnage sont trop singuliers pour ça : son timbre de voix réveille le fantôme d’Alain Bashung, son phrasé parfois théâtral et habité évoque les prestations enflammées de Feu! Chatterton, sa guitare acoustique qu’il ne lâche presque jamais nous rappelle qu’il construit ses morceaux dans une approche dite pop-rock, britpop ou carrément plus robuste et sombre. La présence d’une guitare électrique ne faisant que renforcer cette couleur musicale.
Parfois présenté comme influencé par le rap, ce qui ne veut pas dire grand chose, on aurait presque envie de minimiser cette référence à la présence d’une étiquette servant avant tout d’argument marketing, un peu comme Lomepal (que The Doug reconnait apprécié plus que de raison). De temps à autre il déclame ses textes avec une vigueur et un débit bien chargés. Quant à sa plume, elle bascule par alternance entre confidence à fleur de peau, sujets lourds et punchlines brutes de décoffrages, plus frontales et directes, à la manière de Georgio (comme sur le titre “HLM en papier” ou “Dans le décor”). Et pourtant tout ça est d’une cohérence déconcertante et rafraichissante.
C’est donc sans trop d’étonnement que le public présent ce soir semble venir d’horizons très larges et appartenir à des tribus musicales parfois très éloignées les unes aux autres. On retrouve ainsi des ados, des étudiants qui comptent leurs sous pour s’acheter des bières, des trentenaires attentifs et enthousiastes à la fois, et puis il y a aussi des chevelures plus grisonnantes ou dégarnies (désolé les gars, c’est un fait objectif).
Nous parlions tout à l’heure du personnage à part entière du Doug. En voici l’illustration la plus évident : qui en 2023 oserait s’atteler au projet d’écrire une chanson à la gloire des montagnards ? Pour rappel, The Doug est originaire de l’Auvergne. Et c’est torse nu qu’il chante cette ode aux siens, à ceux qui ne savent pas rester enfermés chez eux, qui partent constamment à l’aventure et explorer les grands espaces. Le sujet parait bateau (un comble pour des montagnards) mais il impulse une lumière et une énergie qui donnerait envie de tout plaquer pour aller les rejoindre sur les cimes avec ces rythmes et sonorités bouillantes et ouvertement rock. On retrouve cette même poésie du quotidien avec “Comme la vie est belle” joué en guitare-voix, aussi fragile qu’intense. The Doug offre plusieurs moments suspendus et étoilés de ce type tout au long de son set. Il réussi aussi à entamer des morceaux presque de manière murmurée avant qu’ils ne s’achèvent en tempête électrique, avec l’inédit “Réparé” par exemple. Et puis il y a aussi d’autres compositions qui pourraient s’écouler sur la bande FM et le DAB+ sans qu’aucun auditeur n’y trouve quoi que ce soit à dire avec ces mélodies pop aussi authentiques que spontanées. Il y a quelque chose qu’on retrouve aussi sur un titre comme “Jour Meilleur” d’Orelsan par exemple. On entend aussi des guitares électriques qui nous renvoient vers le premier album de Coldpay.
Bref, on ne regrette pas d’avoir consacré notre vendredi soir à la découverte approfondie de l’univers du Doug, d’autant qu’il possède une présence scénique bien maîtrisée et sincère. Nous nous attendions à quelque chose de plus synthétique et programmés via des machines, et finalement ce fut une très bonne surprise d’avoir face à nous un artiste dans une configuration “à l’ancienne”, sans artifice et avec une réelle prestation live, où les bandes préenregistrées occupaient une place minime.
Il est urgent d’aller découvrir The Doug en live alors que sa fan base commence à doucement mais sûrement se développer, chaque titre étant repris en cœur par une bonne partie des spectateurs présents. On espère pouvoir le retrouver cet été en festival car ses chansons prennent une toute autre dimension lorsqu’il les interprète en live face à un public, face à ce qui est déjà SON public. Il est à souhaiter que son profil musical hybride et aux facettes multiples ne rebutera pas les programmateurs de festivals qui cherchent encore trop souvent à faire rentrer les artistes de leur affiche dans des cases bien identifiables. The Doug ne correspond à aucun de ses formats standards, tout en fédérant autour de lui un public large. Vivement la suite.