Les FRANCOFOLIES DE SPA ont retrouvé leur formule originale qui fait le succès et le charme du festival depuis le milieu des années nonante. Au programme de cette année : une soixantaine de concerts sur 4 jours, répartis sur 4 scènes en extérieurs et en plein cœur de la ville d’eau, alliant découvertes et espoirs, artistes en pleine ascension et ceux dont la carrière et la notoriété sont déjà bien établies. Cela fait longtemps déjà que les Francofolies ont lâché la stricte idée de constituer une affiche avec des artistes chantant seulement en français. Ils ont fait le choix d’envisager la francophonie au sens large du terme et des origines. Cette ouverture permet d’offrir aux festivaliers une affiche variée et colorée, pour que tout le monde y trouve son compte : petits et grands, grand public et publics “de niche”. Ce cocktail génère une ambiance conviviale, familiale et bon enfant dans toute la ville de Spa. Ce samedi constituait la quatrième et dernière soirée du festival avec en point d’orgue la double tête d’affiche constituée par Clara Luciani et Grand Corps Malade !

Nous arrivons en milieu d’après-midi sur le site toujours aussi verdoyant du Parc Des 7 Heures. Le Québécois MARCO EMA et ses chansons pop-rock trouvent idéalement leur place sous le généreux soleil de la Scène Proximus. Le public est déjà présent en nombre pour cette dernière journée consacrée à la francophonie sans frontières et dans sa globalité.

Le duo (accompagné d’un batteur) de DELTA vient entamer les hostilités et achever l’après-midi sur la Scène Pierre Rapsat. On les avait déjà vu dans des conditions météos franchement peu favorables début juin à L’Abbaye de Villers-La-Ville. Mais ce samedi, les dieux de la météo sont cléments et même généreux. La réputation live de Delta n’est plus à faire et leurs titres aux accents pop-rock accrochent l’attention et déclenchent l’enthousiasme des nombreux festivaliers. On apprécie toujours quand Delta s’en va sur des terrains musicaux plus rock et aventureux, et on se laisse dans tout les cas surprendre par leur capacité à proposer des titres aux mélodies entêtantes et aux rythmes qui nous font hocher la tête sans qu’on s’en rende-compte. Leur second album, “Genre Humain” est venu confirmer leurs talents de compositeurs-musiciens-interprètes. Les fans de Boulevard des Airs et, dans un registre anglophone, de Imagine Dragons y trouveront leur bonheur. Et en plus ils sont issus du terroir local belge.

Il y a foule aussi du côté de la Scène Sabam For Culture pour le concert de JALI qui en solo et avec sa guitare captive un public très de fans et de curieux. Direction ensuite la Scène Bonsaï pour le set rap et hip-hop de la jeune KT GORIQUE originaire de Côte d’Ivoire. Elle décrit elle même son style comme du Future Roots, mélange d’influences urbaines et traditionnelles africaines. Elle propose un concert couillu et musclé tout en restant hyper festif. La poussière s’élève des premiers rangs face à ce concert plein de couleurs.

Ensuite, le planning du jour nous a contraint à faire un choix qui a pris la forme d’un véritable sacrifice et d’un crève-cœur. Quelle idée d’aller faire jouer au même moment GRAND CORPS MALADE et la révélation pop PIERRE DE MAERE ? On a entendu beaucoup de bien de ce dernier dont le premier EP fait l’unanimité. Malgré l’envie et la curiosité, nous n’avons pas eu suffisamment le temps de nous y intéresser (pour rappel l’ensemble de l’équipe de Scènes Belges est bénévole). En face il y a Grand Corps Malade qui vient défendre son fantastique et touchant album “Mesdames”, au casting aussi qualitatif qu’explosif. Choisir c’est renoncer, mais promis Pierre, ce n’est que partie remise et on ne serait pas étonné de te retrouver sur une scène majeure du festival. En tout cas c’est ce que nous te souhaitons.

Et c’est la toute grande foule devant la Scène Pierre Rapsat pour accueillir Fabien Marsaud, alias Grand Corps Malade. Il entre sur scène avec ses 3 musiciens (dont Mosimann aux claviers) sous de longs et généreux applaudissements après un clip cinématographique où il est question d’exploration du cerveau, de toute sa complexité et de sa richesse. “Le jour se lève”, premier titre sombre et aux sonorités électriques permet à Grand Corps Malade d’égrainer son texte avec force et sérénité. Quelques notes de piano viennent apporter de la douceur à cette entrée en matière incisive.

C’est le dernier album en date qui est logiquement mis en valeur. Cet album étant composé exclusivement de duo avec des femmes, c’est parfois avec des voix pré-enregistrées et parfois avec des projections sur écran géant que les titres sont interprétés. On voit ainsi apparaître en fond de scène Camille Lelouche pour le très à fleur de peau “Je t’aime”, Louane pour “Derrière le brouillard”, Kimberose pour “Nos plus belles années” et Suzanne pour “24 heures” (on avoue avoir été un peu déçu par ce dernier titre dans sa version live, pourtant si percutant sur CD). Le rendu visuel est intéressant, avec Grand Corps Malade qui se tourne régulièrement vers l’écran géant du fond de scène pour chanter ces duos, comme pour être en contact visuel (et virtuel) avec ses binômes successifs. Malgré un jeu de scène forcément un peu statique, l’énergie de chaque morceau est bien retranscrite sur scène. Et puis il y a ce regard et ce sourire contemplatif de Grand Corps Malade qui semble savourer chaque instant. Ce plaisir est communicatif et touchant. Après le splendide “Dimanche Soir”,où rarement un artiste masculin s’est mis à nu de cette manière pour déclarer son amour, c’est un final à la fois festif et engagé qui fait sauter toute la ville de Spa. En effet, l’enchaînement des titres “Des gens beaux” et “Pas essentiel” marquent, avec une ferveur peu commune aux Francofolies, la fin d’un set généreux, teinté de second degré et d’une puissante bienveillance. Grand Corps Malade sera de retour à Forest National le 3 novembre. On a déjà coché la date dans nos agendas.

On repart ensuite vers la Scène Proximus pour le premier concert de COEUR DE PIRATE en Belgique depuis on ne sait même plus quand. Entre le COVID et une seconde grossesse, la Québécoise qui vit toujours de l’autre coté de l’Atlantique n’a pas eu beaucoup l’occasion de monter sur scène en Europe. Les nouveaux titres présentés ce soir évoluent dans un registre de pop lumineuse et dansante, sur le thème de l’amour et de toutes ses déclinaisons plus ou moins torturées. Cependant Béatrice Martin semble être quelque peu en mode automatique ce soir, enchaînant les titres et les pas de danse avec l’impression que cela lui demande un effort physique pas très agréable à vivre. Mais finalement ça se détend au bout d’un gros quart d’heure avec le titre “Tu peux crever là-bas”, sorte de gros doigt d’honneur à tous ses ex-copains qui l’ont fait souffrir mais qui, selon ses dires, grâce à ses chansons payent son appartement. Les nouveaux titres sont plus rythmés que par le passé, sortant de la formule piano-voix qui avait fait connaitre Cœur de Pirate au grand public. Il en découle un set varié où le soleil couchant permet au lightshow d’entrer dans la danse. Mais Cœur de pirate semble fatiguée malgré tout. Heureusement le public des Francofolies se charge de lui donner le change pour redynamiser le set. La fin du concert voit s’enchaîner les titres les plus connus de la chanteuse avec “Oublie moi”, “Prémonition” et “Comme des enfants” en piano-voix.

SAM FAYE, autre Québécois, fait face à un public plus intimiste mais qui grossit petit à petit au long de son set entre rap, hip-hop et freestyles, tout en interagissant constamment avec les curieux et enthousiastes festivaliers qui se pressent. Une très bonne découverte. Là aussi la présence d’une guitare électrique bien acérée sert favorablement les titres du gaillard à la bonne humeur communicative. Et son accent québécois sonne marseillais lorsqu’il chante. Un régal old school (le jeune homme a du beaucoup écouter Cypress Hill ces dernières années) et rafraîchissant à la fois. La belle surprise du jour.

Rien ne semble plus pouvoir arrêter CLARA LUCIANI dont le succès du second album, “Cœur”, est venu confirmer tout le talent de celle qui vient tout juste de fêter son trentième anniversaire. Après un passage par le Cirque Royal (notre compte-rendu est à lire ICI) et ensuite par Forest National (une troisième date dans la salle bruxelloise vient s’ajouter au tableau de chasse), c’est maintenant aux festivals qu’elle s’attaque avec le tact et la bienveillance qu’on lui connait.

La Scène Pierre Rapsat est noire de monde pour accueillir la demoiselle et ses musiciens dans leur décor rétro-vintage des années 70. En fond de scène le nom de Clara Luciani apparaît dans la même police d’écriture que sur la pochette de son dernier album. Police d’écriture assez proche de celle de Manneskin d’ailleurs. C’est un concert dense et rythmé que Clara propose au public des Francos, et ce dès l’entame du concert avec des titres comme “Cœur” et “Nue”. Très rapidement et de manière spontanée elle prend la parole pour lancer un “Je vous aime” à l’attention du public belge pour lequel elle a toujours eu beaucoup de considération, celui-ci lui ayant permis de faire décoller sa carrière musicale lorsque la France se montrait frileuse. Clara Luciani sous les projecteurs, c’est une bête de scène qui chante, qui danse, qui joue de la guitare, qui va chercher le public et qui prend aussi le temps de discuter avec un second degré et une auto-dérision qui la rendent irrésistiblement sympathique.

Apres la reprise d’ “I feel love” de Donna Summer (et son improbable chorégraphie des algues), la fin du set est carrément fiévreuse avec l’enchaînement “Ma sœur”, “La baie”, “Le reste”, “La grenade” et “Respire encore” et sa pluie de confettis dont les paroles post-covid viennent clôturer en apothéose et de manière jubilatoire un concert un peu court selon nous (une petite heure quart). On en aurait bien encore pris pour un quart d’heure au tout grand minimum.  Les derniers décibels en provenance du show de MOSIMANN, rejoint sur la Scène Proximus par Grand Corps Malade, font vibrer une dernière fois les murs de la Ville et les festivaliers. Les Francofolies 2022 ont vécu et ce fut bon. Pres de 130 000 spectateurs se sont presses durant 4 jours, et ce malgré des conditions météos parfois changeantes, et même carrément exécrables par moment. Vivement 2023 !

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