Après le concert de Celeste en début de semaine, nous voici de retour ce samedi au Botanique pour une seconde soirée aux saveurs de métal hurlant et bouillant. Au programme : le groupe nantais au doux nom de REGARDE LES HOMMES TOMBER qui vient présenter son album “Ascension” sorti fin février 2020. Les occasion de le défendre en live ont donc été peu nombreuses jusqu’à maintenant. Pour le reste, on ne sait pas qui est le petit malin qui gère la programmation artistique du Botanique, mais il a réussi à aller trouver un groupe lituanien qui s’appelle AU-DESSUS pour la première partie. En termes de jeux de mots et d’association d’idées, il aurait difficilement pu taper plus juste. Nous voici donc embarqués pour une soirée où les éléments les plus obscurs des tréfonds de la Terre vont se déchaîner dans l’Orangerie, pour le plus grand plaisir de nos oreilles.

Tout commence donc avec AU-DESSUS, quatuor tourné vers le black et le post métal : oppression sonore en perspective. Et ça commence avec une longue intro lugubre avant que le quatuor ne prenne place sur scène dans un contre-jour de sombres lumières bleues. Ils sont tous vêtus de noir avec de grandes capuches qui dissimulent leurs visages. On est quelque part entre la communauté monastique retirée du monde et les Nazgûls du Seigneur des Anneaux. Sur un ampli est aussi accroché un grand drapeau ukrainien. Le groupe lituanien marque ainsi clairement son positionnement dans le conflit en cours. Durant 45 minutes, ils vont envoyer des compositions dans la pure tradition black métal. Les quelques passages moins syncopés n’empêchant pas les guitares de continuer à saturer l’atmosphère sonore. Le chant est guttural et funeste, comme pour décrire un monde dont le point de non-retour est déjà franchi depuis bien trop longtemps et qui a sombré dans l’obscurantisme et les ténèbres. Dommage que le jeu de scène finalement très statique du groupe malgré la déferlante musicale qu’ils projettent vers le public. C’est sous des applaudissements nourrit que le groupe quitte la scène, sans s’être adressé de manière directe au public tout au long du set. Mais ce n’est pas pour venir faire la causette que nous sommes venus.

Direction le bar qui, comme le veut la tradition dans les concerts de métal, est pris d’assaut par un public dont le goût pour les musiques extrêmes est souvent associé à l’amour du houblon. Ensuite, retour dans la salle pour la tête d’affiche du jour qu’est REGARDE LES HOMMES TOMBER. Cela fait maintenant une petite décennie que les Nantais répandent une atmosphère sonore de fin du monde dans les salles et festival (le Hellfest notamment) où ils se produisent. Pour y arriver, c’est un mélange de black métal et d’influences plus progressives qu’ils envoient. Alors que le concert n’a pas encore commencé, on retrouve sur scène des chandeliers dont les bougies ont été allumées, mais aussi des bouquets de bâtons d’encens qui se consument en formant de jolies flammes. Une sombre célébration semble en préparation.

Et de fait, lorsque les lumière s’éteignent, le groupe prend place sur scène avec un chanteur qui montent sur scène recouvert d’une cape noire qui lui donne des airs de grande faucheuse. Le jeu de scène est aussi excitant qu’intimidant. Son chant est puissant, habité et captivant. Difficile de rester de marbre face au spectacle qui est en train de se dérouler sous nos yeux et qui s’immisce aussi dans nos oreilles. Le frontman ne fait qu’un avec son pied de micro auquel il s’accroche avec énergie, semblant se débattre avec des démons invisibles. Il le brandit régulièrement des deux mains comme on se sert d’un bouclier ou d’une arme pour donner l’assaut. Ce pied de micro est sa seule arme pour lutter dans cet univers tourmenté, sombre et un peu mystique. Mystique car le chant qui est le plus souvent hurlant et possédé, se fait aussi parfois plus incantatoire et habité, comme on peut le retrouver chez Alcest. Mais tout est sombre et semble désespéré avec Regarde Les Homme Tomber. Le nom du groupe est à lui seul d’une poésie belle et tragique à la fois.

Au niveau purement musical, ça brûle de toutes parts avec des guitares aux cordes forcément malmenées, idem pour la basse. La batterie est quand à elle aussi mise à rude épreuve avec ce typique roulement de grosse caisse ultra-rapide qui caractérise le black métal. Les moments de respiration sont peu nombreux et ils ne sont que passagers entre deux puissantes et funestes déferlantes musicales.

Notre seul petit regret viendra du déménagement du concert de la petite vers la grande salle du Botanique. Le son de cette dernière y étant moins puissant et englobant, nous avons parfois eu le sentiment de ne pas pouvoir nous laisser emporter complètement par le dernier cataclysme sonore que le monde connaitra et que le groupe nous envoie. La fin du concert prend effectivement des airs de fin des temps avec deux grandes coupoles situées de part et d’autre de la batterie qui s’embrasent dans un bouillon de fumigènes. On se demande même si le matériel n’a pas tout bonnement pris feu sur scène. Bref, le final est sidérant de puissance grâce à la musique et au chant qui déversent une ambiance crépusculaire où les éléments se déchainent pour mener les hommes vers l’extinction finale. Tout cela s’arrête dans un brutal dernier hurlement du chanteur qui frappe alors avec force et conviction son micro contre la paume de sa main. La sombre célébration vient de toucher à sa fin, laissant le public manifester son enthousiasme avec les mêmes cris gutturaux que ceux entendus sur scène durant l’heure qu’aura duré le set. Sans pour autant être spécialiste du genre, nous sommes restés captivés et scotchés tout au long du concert par cette sombre explosion sonore et visuelle qui se dégageait en permanence de la scène. La black celebration aura apporté l’extase aux initiés et convaincu les nouveaux adeptes que nous sommes.

Please follow and like us:
error
fb-share-icon