Et on commence malgré tout avec un artiste qu’il n’est plus nécessaire de présenter : MOBY. Chaque nouvel album qu’il sort constitue toujours un sacré événement ! Enfin ici, l’album n’est pas véritablement “nouveau”. Chacun des morceaux étant une ré-orchestration et ré-interprétation de ses tubes ainsi que de quelques morceaux un peu moins connus du grand public. Artiste multi-instrumentiste et extrêmement éclectique dans ses goûts et démarches, Richard Melvillel Hall nous propose cet album enregistré avec le Budapest Art Orchestra et une pléthore d’invités dont entre autres : Gregory Porter sur “Natural Blues”, Jim James (chanteur de My Morning Jacket) sur “Porcelain” ou encore Mark Lanegan sur “The Lonely Night”. Avec cet album, Moby met véritablement en place quelque chose de différent par rapport à ce qu’il nous a sorti tout au long de sa carrière. Le moins que l’on puisse dire c’est que le portage en version orchestrale est magistralement réussi, on redécouvre des morceaux que l’on connaissait pourtant par cœur dans leur version originale sans en enlever l’essence même. On se laisse complètement transporter par la profondeur et la grandiloquence de certains morceaux pendant que d’autres filent une pêche folle !
Pour la suite, on vous parle d’une chanteuse qu’on avait découverte à l’automne 2020 dans le cadre des Nuits du Botanique : Ana Benabdelkarim, qui se cache derrière le pseudonyme de SILLY BOY BLUE (en référence parfaitement assumée au titre de la chanson de David Bowie) a donné naissance à un premier album composé de 12 titres d’une pop un peu dark et torturée, et pourtant bourrée de romantisme et de sensibilité. Cet album a en effet écrit à la suite d’une douloureuse rupture sentimentale. On retrouve la même approche à fleur de peau que Chez Pomme par exemple, sans filtre et donc forcément plus touchante. Bien que le titre était déjà sorti sur son premier EP avant 2021, et qu’il figure un peu comme un bonus pour conclure cet album, on ne résiste pas au plaisir absolu de vous partager le clip du titre “The Fight” et de son instru complètement prenant et saisissant. Attention les poils vont s’hérisser.
L’artiste suivant avait déjà eu droit à son petit paragraphe dans notre bilan 2020. RONE avait en effet proposé “Room With A View”, un album intemporel à la rencontre de la musique électronique, cérébrale et classique, en y associant un troupe de danse contemporaine lors de concerts aux airs de performances dystopiques. Le garçon est généreux et il a donc ressorti cet album sous le nom “Rone & Friends”, proposant ainsi à une véritable pléiade d’invités de retravailler avec lui plusieurs des morceaux de cet album. Au casting on retrouve notamment Odezenne, Camelia Jordana, Georgia, Jehnny Beth, Dominique A et Flavien Berger. Des univers et des influences riches qui donnent un visage radicalement différent et très humain à tous ces titres. L’idéal pour ceux qui peuvent éprouver du mal à aborder la musique électronique comme quelque chose pouvant générer des émotions. Nous ne sommes donc clairement pas dans le concept d’une réédition faite de remix pondus à l’arrache pour remplir des minutes de l’album. L’année 2021 aura aussi été celle où Rone aura gagné une Victoire de La Musique pour sa BO du film “La Nuit Venue” où l’on retrouvait déjà Camelia Jordana, mais en tant qu’actrice. Et il a pris goût à l’exercice puisqu’il a composé cette année la très réussie BO d’un second film, “Les Olympiades”.
L’air de rien, les années passent et le producteur de musique électronique VITALIC fête déjà ses 20 ans de carrière avec un cinquième album sorti cette année : “Dissidænce Episode 1”. Il y aura donc un deuxième épisode qui devrait arriver rapidement. Cet album ne révolutionne pas le style électro-abrasif survitaminé avec lequel il a construit son identité sonore, mais il constitue un bel échantillonnage de tout ce que le dijonnais a proposé depuis deux décennies : des sons massifs aux couleurs mécaniques (en mode locomotive à vapeur lancée en descente et sans les freins), des rythmiques dansantes, des basses qui fracassent, quelques voix pour venir haranguer les clubbeurs et des mélodies de fonds aussi fines qu’efficaces. Les années passent mais la vigueur et l’esprit de la rave demeurent intactes avec comme seul et unique but de faire danser les foules aux 4 coins du monde. Vitalic ne semble pas près de vouloir s’assagir et c’est tant mieux.
On prend ensuite la direction de l’hémisphère Sud et de l’Australie pour aller à la rencontre de l’auteur-compositeur-interprète et arrangeur RY X. Mais celui-ci nous fait faire aussi rapidement le trajet retour en atterissant à Londres. Il a en effet sorti, en vinyle uniquement, un live enregistré au Royal Albert Hall. Jusque là rien d’exceptionnel. Mais là où l’histoire devient divine, c’est quand on sait que ce live a été enregistré en compagnie du London Contemporary Orchestra. Chaque son qui s’échappe de ces 76 minutes est un véritable délice auditif. Un sentiment contemplatif et d’apaisement se dégage de cet ensemble entre folk, électro, ambient et musique classique où des choristes viennent aussi pousser la voix sur quelques titres. RY X qui possède lui aussi une voix tout à fait majestuesue. Cet enregistrement live constitue une pièce musicale aussi singulière que précieuse pour déconnecter et laisser voyager et rêver son esprit sans contrainte.
On traverse l’Atlantique pour aller à la découverte de deux soeurs qui forment ensemble NEONI. Elles ont sorti cette année un premier mini-album, “Wars In Wonderland”, composé de 8 titres qui évolulent dans une pop à la fois fraiche, musclée et sombre. En bonnes américaines, leurs compositions sont très bien produites avec pas mal d’arrangements électros qui rendent l’ensemble très moderne et puissant. Une bonne mise !
Retour en Europe, et plus précisément en France, avec le raz-de-marée de cette fin d’année provoqué par ORELSAN avec son album “Civilisation”. Il est en train d’affoler tous les compteurs : vues sur Youtube, écoutes streaming et ventes physiques avec notamment 300 000 exemplaires déjà écoulés en quelques semaines. Ce dernier chiffre vient écraser tous les autres au regard de l’état du marché du disque durant ces dernières années. Mais au delà de ces chiffres, Orelsan réussit à rallier à sa cause un public toujours plus large et surtout à effacer l’image de “petit blanc privilégié issu de la province et faisant du rap pour occuper ses journées”. Orelsan a des choses à dire, et il les dit avec beaucoup de justesse et sans détour, comme avec “L’odeur de l’essence” au texte qui nous renvoie de manière inquiétante au monde moderne dans lequel nous vivons, accompagné par un clip aussi réussi qu’asphyxiant. Une réussite totale qui prend des airs de version actualisée de son titre “Suicide Social” qui avait fait coulé beaucoup d’encre il y a 10 ans. Le titre “Manifeste” préface également de manière brute et directe ce premier single. Même constat décrit sur “Baise le monde” qui dépeint la mondialisation et la surconsommation que rien ne semble arrêter. “La quête” tire le portait d’une société des apparences et du bonheur. Mais Orelsan se montre aussi beaucoup plus posé et introspectif avec certains titres plus intimes, comme sur le très joli dernier single “Jour Meilleur”. Il fait aujourd’hui l’unanimité et son dernier album est encensé pas tous les médias, généralistes et spécialisés. A 39 ans, il reconnait avoir voulu écrire un album pour plaire à ses parents alors qu’avant il voulait écrire des albums que ses parents détesteraient… La mission est accomplie avec succès, et tout cela valait bien un petit pavé d’écriture.
Décidément pas mal de choses auront émergés et retenus notre attention (et même bien plus) en provenance de chez nos voisins du Sud. En effet, cela fait 25 ans que les Bayonnais de GOJIRA font les beaux jours de la scène Death Metal, avec ces riffs ciselés, cette batterie faite de breaks énergiques et puissants, et leur maîtrise technique propre à ce style particulier qu’est le Death Metal. Le 07 mai 2021 fera date dans l’histoire de Gojira car c’était la première fois que ce style musical avait les honneurs d’une émission comme Quotidien, sur TMC…La faute à qui ? à quoi ? Je vous répondrai la faute à “Fortitude”, le septième album de ces vegans et ardents défenseurs de la planète. Cet album bipolaire comme ils aiment à le décrire, avec ce côté “gras” et “moins gras”, reste un album de death, avec cette bestialité qui a fait leur succès, mais dans lequel une touche de légèreté presque féminine a été apportée, reflétant un état d’esprit ou une certaine forme de maturité musicale, comme l’atteste l’utilisation de chœurs sur “The Chant” ou “Hold On”, mais aussi leurs préoccupations bien plus profondes comme en témoigne “Amazonia”, et leur soutien à la cause écologique…
Donc, moins lourd (parfois), plus mélodique (souvent), plus curieux dans son instrumentalité et plus abordable aussi… L’ enfant sauvage n’a pas complètement disparu, le magma brûle encore dans ses veines et il garde son côté guerrier. Mais il a appris à parler, à s’exprimer, tout en nuances…