Direction le MAGASIN 4 à coté de Tour & Taxis en ce mardi soir. La salle bruxelloise dont la spécificité est de proposer une sélection de groupes et artistes dits “alternatifs” prend plaisir à se lancer dans des soirées aux programmations aussi audacieuses que tournées vers la découverte. On vous avoue que c’est d’abord le nom du groupe qui occupe la tête d’affiche ce soir qui suscite notre curiosité : MOSCOW DEATH BRIGADE. Mais là où l’histoire est devenue carrément excitante c’est quand on a lu le descriptif suivant sur la page Facebook du Magasin 4 : un groupe techno/rap/punk russe portant des masques de ski. S’en est suivi un petit tour sur Spotify pour aller s’assurer que musicalement tout ça tenait quand même un peu la route. Pas de soucis non plus de ce coté là puisque notre curiosité s’est transformée en enthousiasme. Mais quid de l’épreuve du live ?

Le magasin 4 a rameute ce soir tout ce que la Belgique et ses alentours compte de punks. La Belgique et ses alentours car ça parle aussi bien l’anglais que l’allemand et le néerlandais des Pays-Bas dans la longue file d’attente qui s’est formée le long du Canal. 
 
 
La première partie est assurée par le trio belge de KRAKENIZER. La chanteuse du groupe emmène avec elle un batteur et un bassiste. Ils balancent une musique punk aux accents dark et électro qui se manifeste dans la fosse à travers un lugubre mais frénétique pogo. Sur scène ça bastonne sec et la chanteuse alterne entre spoken-word effréné et furieuse incantation. La finesse du chant n’est pas la priorité mais finalement ce qui importe c’est l’énergie et la conviction qu’elle y met, dans un esprit punk et bien débridé où tout son corps est traversé de spasmes désarticulés, au rythme de la musique. Tout ça est complété par quelques bandes sonores électros qui donnent une atmosphère aux airs de macabre dancefloor chaotique. A l’image du dernier titre joué où elle hurle à l’infini la phrase suivante : c’est le chaos dans ma tête.
 
 
Les titres punk à base de boîtes à rythmes s’enchaînent dans les enceintes alors que le retard s’accumule dans l’indifférence générale. Sur scène on retrouve la pochette grandeur nature du dernier album de MOSCOW DEATH BRIGADE, avec notamment une énorme gueule de crocodile un peu cradingue aux airs affamé, toutes dents dehors. Sur chaque côté de la scène il y a aussi des décors de grenades dégoupillées. Et au centre on retrouve le décor d’un bon vieux radio cassette old-school orange bien criard. Et ça s’anime finalement sur scène avec un gros beat nineties bien urbain en guise d’intro. Place aux choses sérieuses. Le trio de russe monte sur scène avec des cagoules de gangsters sur la tête et en survêtements un peu poisseux. Ils sont deux sur l’avant de la scène à chauffer le public, tenant fermement leurs micros alors que le troisième lascar est en fond de scène pour balancer du gros son. Après avoir chauffé la foule ils attaquent de manière frontale dans un style rap et techno/rave ultra rapide. C’est un peu comme si Atari Teenage Riot rencontrait NTM et Cypress Hill dans un squat remplis de punk à crêtes prêt à beugler rageusement des slogans engagés. Atari Teenage Riot pour la brutalité électronique et le rythme haletant de la musique techno aux forts accents de drum’n’bass. NTM pour le flow avec lequel sont balancées les paroles, et surtout pour cette constance avec laquelle le chant est envoyé de manière gutturale. Cypress Hill pour l’énergie monstrueuse déployée sur scène.Les deux gaillards sont là à chanter soit l’un après l’autre, soit ensemble, souvent appuyé par leur pote aux machines dans un style rappé, hurlé, parfois un peu ragga fiévreux et survolté. Ca transpire allègrement.
 
 
Cette mixture permet de rassembler dans une même salle des publics finalement pas si éloignés les uns des autres dans leur conception de la musique et de leurs préoccupations plus sociales. Public où c’est le joyeux gros bordel avec des pogos nerveux, de la bière qui vole dans tous les sens, des mecs qui montent sur scène et se jettent dans le public. Ça se bouscule sans rien casser comme dirait Mouss de Mass Hysteria.  Entre chaque morceau, le public se met à hurler toute une série de slogans punks. L’ambiance est à la contestation, dans un esprit de fête, mais contestataire malgré tout. Et cette fronde va se manifester avec une image à la puissance symbolique non-négligeable : deux mecs à crêtes montent sur scène avec un drapeau noir (symbole de rébellion) au milieu duquel est dessiné un arc-en-ciel, ils s’embrassent longuement avant de se jeter dans la foule. Tout un symbole avec un groupe venant de Russie qui multiplie les messages de tolérance, de paix et d’unité. “Nobody is illegal” est notamment répété à plusieurs reprises durant le set.
 
 
Le concert prend aussi une tournure plus légère lorsque le groupe est rejoint par une mascotte de crocodile (elle aussi cagoulée) qui nous offre ses plus beaux pas de danses et de “jump” le temps d’un titre. Idem lorsque le groupe balance un alligator gonflable dans le public. Ce dernier aura eu une vie intense mais courte, malmené par une fosse toujours aussi bouillante. Certains spectateurs réussissent à le saisir, à monter avec sur scène et à se jeter dans le public avec, espérant surfer sur une mer de bras forcément chaotique. Bonjour les acrobaties.
 
 
En fin de set, le groupe balance ses titres les plus connus et les plus efficaces. Et on ne vas pas vous mentir en vous disant que ceux-ci sont construits autour de gros beats qui sentent le tunning avec flammes sur les portières. Un peu comme la recette utilisée par Scooter depuis des années pour faire jumper les foules. Mais ces titres sont malgré tout d’une efficacité et d’une énergie redoutable : “Never Walk Alone ” et “Brother and Sisterhood” font le job pour achever en beauté l’assaut du Magasin 4. Moscow death Brigade a retourné le Magasin 4 en une petite heure. Il n’y a plus qu’à aller prendre une dernière bière au bar, en esquivant autant que possible tous les corps torse-nu et dégoulinant de sueur du public. Sans pour autant être vraiment novatrice ou révolutionnaire, la prestation live du groupe aura eu le mérite de permettre de retrouver une énergie brute de décoffrage, dans la grande tradition d’un esprit punk qui n’en finira jamais de renaitre !


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