Direction le sommet de la Citadelle de Namur et son Théâtre de Verdure ce vendredi soir dans le cadre du FESTIVAL LES NUITS SOLIDAIRES. Il s’agit de la version plus intime du grand frère Festival des Solidarités qui se déroule chaque année à Namur. Version plus intime car les organisateurs ont du limiter les risques et enjeux (financiers notamment) en raison de l’incertitude liée au Covid. Le festival se déroule cette année sur soirées (du jeudi au dimanche) avec une affiche qui vaut franchement le détour et la grimpette jusque là-haut. On retrouve une affiche 100% francophone au programme de cette seconde soirée du festival : la jeune et prometteuse néo-louvaniste DORIA D, le duo belge de DELTA, et celle qui, en quelques mois, est passée au statut de “poids lourds” dans les festivals francophones, POMME.

Il est un peu moins de 18 heures lorsque nous nous installons dans le Théâtre de Verdure pour le premier concert de la soirée. Le public s’y installe tranquillement également. Lorsque la présentatrice de la soirée annonce le début du concert de Doria D les premiers rangs manifestent déjà bruyamment leur enthousiasme. La chanteuse âgée de 21 ans vient présenter son premier EP “Dépendance” sorti il y a peu. Il contient quelques titres entêtants comme le titre éponyme de cet EP et sa reprise de “Jeune et Con” de Saez qui a suscité un joli buzz sur les réseaux sociaux et les plateformes de streaming. C’est avec un grand sourire qu’elle monte sur scène, accompagnée d’un batteur, d’une claviériste et, chose moins commune, d’un guitariste-violoncelliste.

Dès les premières paroles chantées, une bonne partie du public se met spontanément à l’accompagner. Avec ses textes en forme de confession et de réflexion, sa pop moderne et post-adolescente élaborée et dansante réussit à séduire sa génération mais aussi un public plus âgé. Des titres comme “Hors Tempo” ou le très rythmé “Sur ma tombe” font plus que le job pour faire danser l’assistance. Sa reprise de “Jeune et con”, d’abord accompagnée du violoncelliste et ensuite dans une version plus dansante, est un autre moment clé du concert. Au rayon des reprises, on note aussi une reprise épurée du “Papaoutai” de Stromae. Et quand arrive “Dépendance”, son “gros hit” comme elle le dit elle même avec humour, c’est tout le Théâtre de Verdure qui se lève pour le chanter et le danser avec elle. Le titre sera joué une seconde fois en rappel. Doria D est définitivement une affaire à suivre pour les mois qui viennent.

C’est ensuite un peu avant 20 heures que Delta monte à son tour sur les planches de la Citadelle. Le duo pop-rock a proposé quelques singles depuis le début de l’année, en attente d’un second album prévu pour le 1er octobre. L’occasion pour eux de venir tester quelques nouveaux titres en exclusivité. Là aussi ils sont accueillis par un public déjà bien chaud, très féminin on vous l’accorde mais pas que ! Mention spéciale aux trois mecs aux allures de gentils bad boys qui ont chanté toutes les paroles des chansons durant le concert. Bref, le duo est accompagné ce soir d’un batteur et cet apport donne à leur set une touche rock plus… percutante. Quelque part entre Boulevard des Airs et Grégoire (le côté à fleur de peau sentimental en moins) en ayant rajouté quelques bonnes guitares pour renforcer l’ensemble, Delta charme également un public très large. C’est très cliché à dire, mais leur musique peut plaire aussi bien à des enfants, qu’à des ados qui découvrent doucement le rock et les concerts, qu’à un public plus posé et expérimenté.

Les mélodies sont faciles d’accès (sans être simpliste) et les refrains sont fédérateurs. Les textes parlent souvent d’amour mais en évitant certains stéréotypes déjà exploités jusqu’à l’excès par d’autres avant eux. Les deux musiciens-chanteurs (synthé, guitare, basse) sont en plus d’un naturel chaleureux et vraiment pas prétentieux, que ce soit sur scène ou en dehors, se prêtant volontiers et avec plaisir à des séances de dédicaces et photos improvisées. Et la pluie intermittente qui aura rythmé tout leur set n’a pas entamé l’enthousiasme des festivaliers. C’est même probablement l’effet inverse qui s’est produit. On a particulièrement apprécié quelques passages et titres bien rock, ce qui est aussi le reflet de leurs influences.

Pomme vient quant à elle enfin présenter son deuxième album qui a fait décoller sa carrière et l’a fait connaitre du grand public. Alors qu’elle venait de gagner la Victoire de la Musique de la Révélation Musicale, le Covid avait mis un coup d’arrêt à la copieuse tournée qui était en train de se mettre en place pour elle. La revoilà donc sur scène en Belgique, deux semaines après son passage par Ronquières où elle dut composer avec une heure de passage en fin d’après-midi, prise en sandwich entre Ico, Black Box Revelation et Manneskin. Résultat : un public un peu turbulent car trop heureux et enthousiaste de pouvoir vivre un festival “à l’ancienne”.

Mais ce soir c’est elle qui occupe la tête d’affiche avec un public entièrement acquis à sa cause. Et chose très importante pour la suite de la soirée : la nuit est tombée sur le Théâtre de Verdure. C’est carrément l’hystérie collective lorsque Pomme et ses deux musiciennes montent sur scène. La jeune chanteuse affiche un large sourire tout en se dirigeant vers le micro et le petit synthétiseur électronique situé à côté pour jouer les premières notes du titre “Anxiété” (qui ouvre son dernier album) sous un halo de lumières bleues très sombres. Cette atmosphère un peu ténébreuse et dark nous plonge directement dans son univers imagé et intimiste, légèrement mélancolique et rêveur à la fois. Le tableau musical et visuel est tout simplement envoûtant. Lorsque son regard se pose sur le public, c’est toujours ce même grand sourire qui s’affiche. Pomme a ce petit quelque chose qui nous fait penser à Billie Eilish : un look un peu décalé et totalement assumé qui pourrait la faire passer pour la grande sœur ou la copine confidente un peu bizarre, et donc forcément un peu inquiétante, mais toujours bienveillante. Ses petites interventions pleines d’autodérisions entre les morceaux finissent de la rendre sympathique pour de bon.

Pomme enchaine avec “Je sais pas danser” dans un registre plus acoustique. Tout au long du concert, Pomme va alterner entre les instruments : guitare acoustique et électrique, petit synthé électronique donc et aussi sa très visuelle auto-harpe qu’elle tient dans ses bras et avec laquelle elle joue en semblant bercer un enfant. A chaque fois qu’elle la saisit pour un morceau, ce sont encore des cris d’enthousiasme qui émanent du public. On est de notre côté très agréablement surpris par la variété musicale du concert. Les (ré)arrangements électro-acoustiques sont nombreux et donnent un relief splendide, bien que souvent très sombre, à pas mal de chansons. On pense notamment à “La lumière” et sa rythmique hypnotisante, “Soleil soleil” dont le refrain prend une puissance que nous n’attendions pas et qui se transforme visuellement en une douce explosion de lumière, “Sequoia” également, ou alors le très touchant “Grandiose”.

Pomme s’offre aussi une reprise tout en douceur de “Désenchantée” de Mylène Farmer. Tout en douceur car elle la chante seule en scène, accompagnée de sa guitare électrique aux sonorités vaporeuses. Comme elle le fait à chaque concert, et toujours dans cet esprit d’auto-dérision, Pomme organise le rappel avec le public afin de s’assurer que ce dernier fera suffissament de bruit et ainsi éviter un gênant malaise. Mais les festivaliers n’avaient pas besoin de ça. Pomme revient sur scène avec un chapeau aux couleurs et à la forme d’un champignon. Elle explique qu’elle l’a récupéré auprès d’un festivalier il y a quelques semaines en France et qu’elle s’est engagée à le mettre sur scène tous les soirs afin de lui faire vivre la même vie que le nain de jardin dans Amélie Poulain.

Et lorsqu’un souci technique retarde le début d’une chanson, elle interprète de manière improvisée “Adieu mon homme” qui est réclamé avec vigueur par le public. Pomme prend le temps de remercier ses musiciennes et toute son équipe technique avant de quitter définitivement la scène au son de “Destin” de Céline Dion. Une symbolique décalée, mais une symbolique forte malgré tout pour celle qui aura réellement ensorcelé la Citadelle de Namur ce vendredi soir.

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