Honnêtement on ne pensait pas que près d’un an après le début de la crise du Coronavirus on en serait toujours là et que les salles de concerts seraient toujours contraintes au silence et au vide. Une brèche de réouverture et de reprise de l’activité a eu lieu cet été, mais elle s’est rapidement refermée quelques semaines après, pour les raisons que l’on connait. Il y a quelques mois on vous avait déjà parlé de ces salles incontournables, voir mythiques du Royaume, que sont Forest National et le Botanique. Nous nous devions donc d’également vous parler de l’ANCIENNE BELGIQUE, plus communément appelée “l’AB“. Direction le Centre-Ville de Bruxelles, à deux pas de la Grand-Place et de la Bourse, au cœur de l’Europe, à l’image de ce lieu. Comme un bateau traversant les marées et les tempêtes, “L’Ancienne Belgique” de Bruxelles est en fait le dernier vaisseau survivant d’un ensemble de trois salles portant le même nom. Les deux autres ayant animés les soirées et les nuits d’Anvers et de Gand durant le Vingtième Siècle. Elles ont depuis fermé leurs portes. C’est une famille liégeoise (Les Mathonet) qui fut à l’origine de ce business, avec un succès très rapidement grandissant. Une succession de travaux de grandes ampleurs au cours des décennies permis d’augmenter la capacité d’accueil de la salle pour faire monter la jauge de spectateurs progressivement de 600 à 2000 personnes. Mais l’affaire va prendre l’eau suite à l’incendie de l’Innovation qui contraint le gestionnaire à mettre la salle aux nouvelles normes incendies, ce qui représente alors un coût financier énorme. En 1979, la Communauté Flamande prend possession de l’AB après un joli coup de poker-menteur où elle laissa penser qu’elle était intéressée par Le Botanique afin de détourner l’attention des francophones de ce lieu. La comédie fut parfaitement orchestrée et le résultat au rendez-vous. Enfin, ça c’est la version qui est donnée du coté néerlandophone, pas certains que la version francophone nous décrive la même chose. De par sa situation géographique hyper-centrée, et à une époque où les normes sonores étaient inexistantes, l’AB fait l’objet de nombreuses plaintes pour nuisances sonores. Après des travaux de rénovations en 1993, l’AB peut rouvrir ses portes en 1996. Et depuis elle ne semble pas avoir pris une ride, ni s’essouffler malgré la cadence des concerts qui s’y déroulent. [caption id="attachment_18719" align="aligncenter" width="500"] © Michelle Geerardyn[/caption] L’AB c’est aujourd’hui une salle dont la réputation a largement dépassé les frontières du pays, voir même de l’Europe. Il suffit de jeter un œil à l’historique des concerts qui s’y sont déroulés depuis toutes ces décennies pour le comprendre : les artistes viennent de partout, qu’il soit question de leur nationalité ou de leurs influences musicales : du rock, du métal, de la pop, de la variété, du r’n’b, du hip-hop, de l’électro, du jazz, des spectacles pour enfants, de la world, du classique, du théâtre, etc. Le globe entier se bouscule pour voir son nom apparaître dans l’agenda de la salle. Et cela va du “petit” groupe wallon ou flamand émergent aux superstars mondiales comme Muse, The Cure (dont le concert s’est terminé en bagarre générale entre les membres du groupe sur scène en 1982), Pixies, Amy Winehouse, Moby, etc. La liste est très longue et donne le vertige. Comme au Botanique, l’AB à l’avantage de pouvoir moduler l’accueil du public avec à la fois “Le Club”, petite salle de 350 personnes bien tassées, et la grande salle qui peut se décliner dans différentes formules faisant varier la jauge de 700 à 2000 personnes, assises, debout ou les deux en même temps. Bref, de quoi s’adapter aux besoins et aux particularités de chaque artiste et de son public. La qualité de l’accueil ne s’arrête pas là, puisque ce qui fait également la réputation de la salle est son acoustique permettant à la fois de pousser le son très fort tout en garantissant la netteté et la clarté de celui-ci. Un délice pour les oreilles et les corps qui vibrent au rythme des décibels. Mais depuis quelques années, la donne n’est plus la même. De nouvelles normes sont passées par là, contraignant les gestionnaires de la salle à limiter la puissance sonore. Ces normes s’appliquant à l’ensemble des établissements et événements culturels flamands (bonjour le casse-tête institutionnel belge). Il est vrai que depuis que ces nouvelles mesures sont entrées en vigueur, on a parfois envie d’aller voir le technicien à la console son et de lui forcer la main pour qu’il monte le bouton du volume plus fort pour que la musique puissent être vécues plus intensément. Tout comme cette restriction de la Ville de Bruxelles obligeant les concerts à s’achever à 22h30 (même le vendredi et samedi soir). Pas très rock’n’roll tout ça, surtout pour certains artistes dont les sets sont parfois très longs et généreux, les obligeant soit à les raccourcir tragiquement, soit à commencer leur set à l’heure de l’apéro. L’AB est aussi dotée d’un véritable studio d’enregistrement permettant la captation des prestations qui s’y déroulent. L’idéal pour des groupes qui n’ont dès lors pas à gérer la logistique liée à l’enregistrement de leur concert puisque tout est déjà en place de manière permanente et avec du matos de pointe. Indochine, Iggy Pop, Asian Dub Foundation, Aqme, The Hives, New Order, Channel Zero, Sttellla et Roisin Murphy se sont notamment laissés séduire par cette opportunité avec des CD et/DVD lives de leurs prestations à l’AB qui furent commercialisés par la suite. Pareil au niveau vidéo où les gestionnaires ont là aussi été précurseurs dès le début des années 2000 en équipant la salle d’un système de captation vidéo informatisé. L’AB fut une des premières salles à proposer des concerts en live streaming, à une époque où le débit internet n’était pourtant pas le TGV qu’il est aujourd’hui. La chaîne Youtube de l’AB de la salle regorge ainsi de concerts mis gracieusement à disposition des internautes, quand les concerts ne sont carrément pas diffusés en direct et gratuitement. [caption id="attachment_18713" align="aligncenter" width="500"] ©Francis Vanhee[/caption] Une autre particularité de la salle se trouve dans ses balcons latéraux qui s’étirent sur deux niveaux sur toute la profondeur de la salle. L’endroit idéal pour être proche de la scène tout en ayant une vue d’ensemble sur ce qui se passe dans la salle. Plusieurs artistes ont mis en évidence cette particularité qui est parfois intimidante pour eux, leur donnant le sentiment que le public est avec eux sur scène et non face à eux. Aussi, souvent lors de concerts où le public se montre agité et forcément un peu indiscipliné, quelques téméraires tentent le pari (souvent casse-gueule d’ailleurs) de se jeter dans la fosse depuis le premier niveau des balcons. Ce qui a le mérite de rendre fou le service de sécurité. Mais bon… disons que cela fait partie du folklore. Tout comme le fait d’avoir gardé cette tradition des concerts où le public vient s’accouder directement sur la scène, sans barrières de sécurité pour faire tampon. Il en a résulté quelques scènes cocasses où la scène fut joyeusement envahies par les spectateurs en plein concert, parfois sans raison apparente. Mais le plus souvent, les groupes et artistes l’avaient bien cherchés. On avoue avoir participé à ces invasions à plusieurs reprises. Nous sommes tous définitivement de grands enfants prêts à sauter dans la brèche dès que la moindre ouverture nous permettant de transgresser une règle s’offre à nous, surtout si cette transgression est sans conséquence néfaste. “Bousculer sans rien casser, éviter les rixes” comme chante Mouss de Mass Hysteria. Et le service de sécurité se montre toujours très décontracté et compréhensif pour remettre un peu d’ordre lorsque l’enthousiasme se fait trop débordant. [caption id="attachment_18714" align="aligncenter" width="333"] © Michelle Geerardyn[/caption] L’AB est donc ce lieux, forcément un peu mythique pour les amateurs de musique, où l’histoire semble s’écrire un peu plus chaque soir, à chaque concert. Bien qu’étiquetée “centre culture flamand”, on n’y ressent aucune influence politique poussant au communautarisme et au séparatisme linguistique. Bien sûr les missions publiques de la salle visent le développement de la scène locale flamande, tout comme le Botanique le fait avec les artistes francophones. Mais que vous soyez néerlandophones, francophones, anglophones ou autres, vous serez accueillis à l’AB avec le même enthousiasme, le même sourire et la même volonté de cette équipe de professionnels. Leur objectif étant de vous offrir un moment de qualité dans leurs murs. La patience est mère de toutes les vertus. On sera donc patient, mais on a quand même franchement hâte d’y retourner, par contre pas question d’y passer des examens, comme fut l’expérience insolite vécue par certains étudiants l’été passé. [caption id="attachment_18717" align="aligncenter" width="500"] © Michelle Geerardyn[/caption]]]>