Derrière ce nom qui évoque plus une marque de jouet qu’autre chose se cache Scott Hansen. Artiste américain multidisciplinaire (musicien, producteur, photographe et graphiste), il a sorti un 5ième opus en 2019 avec son projet TYCHO, le très classieux “Weather”. Pour la première fois une voix vient habiller son électro synthétique et lounge. Lounge mais loin d’être d’un morne ennui sans relief. Bien au contraire. Et sur scène, c’est accompagné de musiciens qu’il vient faire s’écouler ses douces sonorités. Un peu à la manière de Bonobo qui se fédère autour d’une tête penseuse. Quand la musique électronique prend un visage humain et transmet des émotions on prend le temps de se pencher sur le sujet. On s’engouffre alors dans l’AB Box étoilée de lumières, et renommée “Ballroom” depuis quelques temps. Quel meilleur endroit pour danser sur une musique élégante et moderne ?
Mais d’abord place aux californiens de POOLSIDE pour une généreuse première partie de 45 minutes. Du coup il est 19h45 lorsque les lumières s’éteignent. La salle est déserte, au delà d’une poignée de pèlerins en errance à cette heure bien matinale de la soirée. Ce ne sont pas les meilleures conditions pour lancer la machine pop-rock teintée de percussions, de saxophone et d’un maximum de soleil que propose le groupe. C’est d’ailleurs sur de puissantes notes de saxo que tout cela commence. Comme par magie le public pénètre dans la salle. Et lorsque les autres membres du groupe viennent eux aussi tranquillement se joindre à la danse c’est pour nous embarquer directement sur la plage (californienne bien évidemment), un cocktail à la main. L’état d’esprit de leur musique et leurs sonorités légèrement exotiques nous font penser aux belges de Fùgu Mango ou à Vampire Weekend, le look BCBG en moins. Belle découverte recommandable pour oublier le mauvais temps, ou pour les vacances au soleil.
C’est ensuite sur une scène relativement épurée et aérée que les membres du projet TYCHO font leur apparition à 21h. Ils sont 4 : Scott Hansen, tout de blanc vêtu, va se positionner derrière ses claviers et machines (il se permettra quelques incursions à la guitare en cours de set). On retrouve également un batteur, un claviériste/bassiste et un guitariste. Et quel guitariste ! Une grande part de la musique de Tycho repose sur les notes égrainées à un tempo plus ou moins rapides par celui-ci. Son rôle est central et prépondérant. Ce n’est pas pour rien qu’il occupe une position en avant plan sur la scène. Le son de sa guitare est à la fois net et lumineux. Il s’écoule comme une splendide cascade de jouvence. Un plaisir absolu pour les oreilles. L’acoustique de l’AB se chargeant de finir le travail à la perfection. Dès l’entame du set avec le titre “Montana” c’est le grand kiff, et on comprend qu’il en sera ainsi une heure-et-demi durant. On en oublie presque que la tête pensante et le leader du projet est là lui aussi sur scène à la manœuvre. Et c’est tout à son honneur de ne pas chercher à s’approprier en priorité cet espace scénique. La musique et le visuel d’ensemble avant toute autre chose !
Cet habillage sonore qui laisse rêveur est accompagné d’un jeu de lumières tout aussi net et léché. Et lorsque la lumière se fait plus tamisée c’est pour amener une intimité visuelle, toujours en lien avec la musique. Cela nous offre de magnifiques tableaux composés de contre-jours où les silhouettes des musiciens se dessinent comme des ombres au travers de la brume des fumigènes. Un rétroprojecteur diffuse également des images de ciels, d’océans, de surfeurs, de nuages, de grands espaces naturels et sauvages piochées un peu partout autour du monde.
De temps en temps, sans jamais être dans l’excès, le quatuor nous livre de belles envolées post-rock où viennent s’imbriquer de nombreuses touches synthétiques et électroniques, un peu à la façon des dernières productions de Mogwai, le coté sombre et ténébreux en moins. Avec Tycho on galope au travers d’horizons lointains et de hautes sphères lumineuses. On ferme les yeux et nous voilà parti. Mais ils nous proposent quand même une rugueuse incursion plus tempétueuse le temps du titre “Division”. La guitare se fait alors clairement plus acérée et nerveuse, son maître en torturant les cordes pour le plus grand plaisir du public.
Après ce passage mouvementé, un technicien vient poser un pied de micro au centre de la scène. Scott Hansen annonce alors la venue de la chanteuse Saint Sinner qui a posé sa voix sur le dernier album. Depuis le début du concert on se demandait si elle serait présente pour en interpréter certains titres. Notre curiosité est donc récompensée avec 3 titres. La guitare s’efface alors pour mettre en lumière le timbre de voix tout en douceur et fragilité de la demoiselle au look androgyne appuyé. Le titre “Skate” est ainsi livré dans un version très épurée et intimiste, bercée par une légère guitare chuchotante. Saint Sinner possède cette timidité et cette discrétion qui s’effacent dès qu’elle se met à chanter, mais qui ressurgissent entre chaque titre. On a presque l’impression qu’elle s’excuse d’être le centre d’attention principale durant ces 3 titres, saluant très discrètement la foule lorsqu’elle quitte la scène.
En rappel, le titre “Awake” est joué et chasse les dernières bourrasques de la tempête Dennis, pour faire place au soleil et à la chaleur. Saint Sinner revient le temps du dernier titre intitulé “No Stress”. C’est sûr que là maintenant le stress il n’y en a plus. Il suffit de regarder les sourires légers sur les visages de l’assistance… et cela n’est pas lié à l’abus d’une quelconque substance.
Tycho aura livré une prestation douce, lumineuse, et faite de profondeur, aussi bien visuellement que musicalement. Ils réussissent à faire agir le pouvoir émotionnel et dansant de la musique par des ambiances multi-sensorielles minutieusement construites. Vous l’aurez compris, on s’est laissé embarquer dans leurs très lointaines contrées sauvages et paisibles, comme le chant d’une sirène attire les marins, la funeste fin en moins.
SETLIST – TYCHO – Ancienne Belgique – 17/02/2020
Montana
Rings
Into the woods
Spectre
Apogee
Hours
Daydream
Horizon
Epoch
Division
Skate (feat. Saint Sinner)
Japan (feat. Saint Sinner)
For How Long (feat. Saint Sinner)
A Walk
Weather
RAPPEL
Awake
No Stress (feat. Saint Sinner)
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