Il y a quelques jours on vous proposait une interview de Thylacine à lire ici. On vous propose aujourd’hui d’aller à la rencontre de FAKEAR, un autre baroudeur (mais en version geek) de la musique électronique actuelle made in France. Il fait partie de toute cette vague qui est arrivée avec Petit Biscuit, Thylacine et Møme notamment. Il fait partie de ceux qui montent sur scène en dévoilant l’envers du décors de leurs machines et les secrets de fabrication de leur musique en live, sans tricher. Dans le cas de Fakear c’est pour nous proposer une musique aux sonorités teintées des musiques du monde et de l’Orient. Nous l’avons rencontré à Esperanzah! où il se produisait le samedi 3 août. En dehors de la musique électronique, on aura notamment parlé de ska-punk et de Zelda avec cet artiste à la curiosité et à l’ouverture sans frontières.

Scènes Belges : Théo à la ville, Fakear à la scène, pourquoi ce nom ?

Fakear : C’est parti d’un jeu de mot en fait : “Fake Ears”, qui veut dire fausses oreilles. Je faisais du rock avant et quand je me suis mis à la musique électronique mes potes m’ont regardé un peu bizarrement en me disant “mec tu vas faire de la fausse musique !”. Et du coup c’est parti de là, je me suis dit que j’allais faire de la fausse musique avec mes fausses oreilles. Et la contraction de tout ça a donné “Fakear”.

Scènes Belges : Mais alors explique nous comment on passe d’un style rock, presque ska-punk pour aller jusqu’à l’électro ?

Fakear : J’ai pris une route que je considère comme assez logique en fait. Vers 15 ans j’écoutais effectivement du ska-punk et je jouais dans un groupe un peu comme ça. Après j’ai commencé à m’intéresser au hard-rock, puis au post-rock, puis au rock progressif. Ensuite j’ai pas mal écouté des groupes qui mélangent un peu ces genres là : Archive, Radiohead, Massive Attack, Portishead, etc. Et en fait ces groupes étaient déjà un peu hybrides et électroniques dans leur musique. Et j’en suis arrivé comme ça à écouter Bonobo, Cinematic Orchestra, tous ces grands producteurs de musique du label Ninja Tunes. Ça c’est fait en deux-trois ans.

Scènes Belges : Et à la base, qu’est-ce qui t’as amené à la musique ?

Fakear : Mes parents sont profs de musique tous les deux. Donc je suis tombé dedans quand j’étais petit. J’ai fais mes années de solfèges, j’ai appris les instruments de manière assez traditionnelle avec mes parents. Je me suis ensuite émancipé de leurs conseils. C’est comme ça que j’ai appris le piano et la guitare de manière autodidacte. J’ai tracé ma petite route.

Scènes Belges : Tu es tombé dedans dès ta naissance donc. Mais tes parents ils t’ont mis quoi dans les oreilles ?

Fakear : Du jazz et du vieux rock essentiellement. Et de la World music. Ça a été vraiment mes influences de base pour Fakear, qu’on ressent encore aujourd’hui.

Scènes Belges : Aujourd’hui tu te considères plus comme DJ, producteur ou musicien ?

Fakear : Je ne suis clairement pas DJ. C’est un boulot monstre avec des compétences techniques incroyables que je n’ai pas. J’essaie de m’y mettre petit à petit mais c’est vraiment un autre taf. Je me considère comme musicien de formation et je deviens de plus en plus producteur parce que je joue de moins en moins d’instruments. Tout se passe un peu derrière l’ordinateur en fait. C’est là que se situe la frontière selon moi, quand tu passes derrière l’ordinateur. Du coup actuellement mon boulot serait plus producteur du coup.

Scènes Belges : Tu as mis beaucoup de temps pour sortir ton premier album “Animal”. Il y a eu pas mal de maxis-cd avant. C’était un choix ?

Fakear : Oui effectivement. J’ai préféré fonctionner par “petits” projets, ce qui a fait qu’il y a eu pas mal de maxis-cd avant le premier album. Je ne me sentais pas encore avoir la maturité et suffisamment de discours pour faire un album complet. Je voulais proposer quelque chose de cohérent d’un bout à l’autre. Mais du coup maintenant j’ai plus de mal à revenir au format des maxis-cd. J’aimerai bien y arriver parce que je trouve ça assez chouette mais me lancer dans un album c’est toujours une aventure complètement folle et j’aime bien ça.

Scènes Belges : Ton second album, “All Glows”, est assez différent du premier dans les sonorités qu’on y entend. Il sonne plus pop et on y trouve pas mal de voix féminines et de featurings. Pareil que la question précédente, c’était un choix ?

Fakear : C’était une tentative de ma part, et j’avoue que j’y ai aussi été un poussé par mon label pour porposer quelque chose de plus accessible au grand public. Ils me disaient que si je m’ouvrais plus et que je faisais plus de featurings j’accueillerais un public plus large. Du coup je me suis un peu laissé embarquer dans cette aventure en me disant que je verrai ce que ça allait donner. Mais finalement le résultat est un peu mitigé. Il y a 3-4 titres sur l’album que j’aime énormément et qui sont vraiment très sincères. Mais il y a beaucoup choses où je me dis que je n’étais pas à ma place et où je ne me sentais pas honnête. Je ne les renie pas pour autant.

Scènes Belges : Et alors du coup, pour la suite tu envisages les choses comment ?

Fakear : Je viens de finir mon troisième album qui sortira au printemps 2020. Il est vraiment très différent, je reviens à des choses encore plus puristes et plus indés que sur le premier album. Et l’ensemble prend une direction plus orientée vers la house.

Scènes Belges : Comment tu qualifierais ta musique ?

Fakear : Elle est très évolutive et change vachement de direction. C’est une sorte d’hybride de World music et d’électro.

Scènes Belges : Tu parles de World music, mais  où vas tu chercher toutes ces sources d’inspirations dans le processus de création ?

Fakear : Sur le premier album, ma source d’inspiration fût clairement ma copine de l’époque. Mais il y a aussi des voyages, des rencontres, des discussions, des films. Et puis il y a aussi une énorme partie de mon imaginaire qui est nourrie par toutes ces choses là évidemment. Quand j’écris un album j’ai besoin d’être dans une espèce de grotte où je ne sors pas, où je ne vois pas grand monde et où je suis très geek. Du coup je joue énormément à la console. La création de mon deuxième album a été rythmée comme ça : j’avais un écran avec les logiciels pour la musique que je créais et un autre écran pour Zelda. Et j’alternais. Et étrangement je n’écoute pas grand chose comme musique dans ces moments là.

Scènes Belges : Toutes ces sonorités qui nous font voyager dans la partie Est du globe (du Proche à l’Extrême Orient), tu vas les chercher où ?

Fakear : C’est directement sur des vidéos Youtube, dans des CD de relaxations. Là j’ai pu piocher dans des archives sonores d’un musée à Paris. Ça fait déjà beaucoup de matières. Je ne prends pas les sons parce qu’ils viennent d’un endroit spécifique mais simplement parce que je les trouve beaux. C’est l’esthétique sonore qui me guide.

Scènes Belges : Passons au côté “live” de ta musique. Comment prépares-tu un set ?

Fakear : Il y a deux schémas possibles : la salle et le festival. Dans le mode festival je vais beaucoup plus jouer la carte de l’énergie pure et dure. Alors que dans le mode salle je vais prendre le temps de développer quelque chose, de manière plus calme et progressive. Mais j’ai malgré tout besoin d’avoir une structure de set qui est prête à l’avance, pour des aspects plus techniques évidemment.

Scènes Belges : Est-ce que tu as une préférence entre les salles et les festivals ?

Fakear : Clairement pas. J’ai besoin d’alterner. Si je ne fais que des salles, les festivals me manquent, et inversement. J’aime le côté festif et l’effervescence des festivals et aussi l’aspect plus structuré des salles.

Scènes Belges : Tu fais partie de ce qu’on appelle la génération des dj-producteurs qui montent sur scène en montrant ce qu’ils font sans se planquer derrière des platines invisibles pour le public. Pourquoi ?

Fakear : A la base c’était une démarche plus pédagogique pour un peu venir contrer le mythe du DJ qui ne fait rien, et qui vient juste avec sa clé USB. On était plusieurs à faire ça au début (Thylacine, Superpoze, Møme, Petit Biscuit). Même avant nous C2C le faisait déjà. J’ai l’impression que maintenant c’est bon, les gens sont éduqués et ouverts à ce truc là et savent qu’on fait quelque chose. Du coup dans mon nouveau set-up en live je les recache. Je n’ai plus envie d’être dans cette démonstration comme une rockstar. Il se passe autre chose et c’est aussi très intéressant. L’attention des gens se focalise sur autre chose.

Scènes Belges : Quel est le plus bel endroit où tu as joué ?

Fakear : J’ai joué à Malte dans une grotte face à la mer, sur le toit du Pic du Midi dans les Pyrénées à 2800 mètres d’altitude, et physiquement on la sent la différence quand on joue. Je suis aussi parti en tournée au Chili où j’ai joué dans des spots incroyables : sur des plages, dans des criques. Tous les coins un peu naturels et préservés en fait.

Scènes Belges : Est-ce que tu te considères comme nomade ou casanier, au regard de ta musique qui est hyper ouverte sur le Monde ?

Fakear : Au cours des 5 dernières années je n’ai fais que bouger. Résultat, maintenant quand j’ai un break je suis super casanier. Mais le jour où ça s’arrêtera sûrement que je deviendrais nomade.

Scènes Belges : Ton dernier coup de cœur musical :

Fakear : Louis Cole. C’est un batteur de jazz Californien qui fait une sorte de funk complètement délirant et second degré. C’est aussi drôle que techniquement impressionnant ce qu’il fait.

Scènes Belges : La meilleure prestation live à laquelle tu as assistée dans ta vie ?

Fakear : J’ai vu Parcels cette année aux Solidays et j’avoue que ça m’a un peu scotché. C’est une espèce de funk-rétro. C’était trop bien

Scènes Belges : Ton titre culte ?

Fakear : “Sirus” de Bonobo.

Scènes Belges : La collaboration que tu rêverais de pouvoir faire ?

Fakear : Ça serait avec un instrumentiste Ravi Shankar. Mais il est décédé. C’est un sitariste qui avait bossé avec les Beatles. Trop la classe le mec. C’est le papa de Norah Jones.

Pour rappel, Fakear à sorti deux album, “Animal” et “All Glows”, plus toute une série de maxi. Tout ça est à écouter sur Spotify et sur Deezer. Mais le mieux ça reste quand même d’acheter les CD.

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