Hier soir, les Nuits Bota nous donnaient rendez-vous avec Bagarre et Polo & Pan. Une escapade hexagonale quelque part entre les electro-plages de sable fin et la fournaise des pogos.
Le soleil fait timidement son apparition sur le parc du Botanique après quelques Nuits marquées par une pluie battante. Et c’est tant mieux car on a rendez-vous avec Polo&Pan. Tout dans l’oeuvre du duo français résonne comme une ode au voyage, à l’exotisme, aux ciels ensoleillés se reflétant dans des eaux turquoises, comme en témoigne Caravelle, le titre de leur dernier opus. Tout comme leurs albums, un set de Polo&Pan se savoure à la manière d’un interminable coucher de soleil sur l’Océan Indien. C’est donc une dose de bonne humeur et de joie ‘bonne enfant’ que nous sommes venus chercher ce soir.
On assistera à un set correct, bien que quelque peu sans surprise… Le groupe assure le taf, mais souffre d’un certain manque de communication avec le public. Les morceaux s’enchainent mais ne surprennent jamais vraiment. Il manque cette petite plus-value qu’on attend d’un concert live. Même si l’atmosphère si atypique de la musique de Polo&Pan – nous invitant tantôt dans de tropicales Canopées, tantôt sur le sable blanc de Plages isolées – fait évidemment son oeuvre.
Visuellement, le show nous baigne dans des tons pastels évoquant les figures géométriques que l’on retrouve sur les papiers peints des sixties, avant de nous emmener dans une atmosphérique plus brute, jusqu’à parfois réduire le light show à un épileptique noir et blanc. Notamment lors des fabuleuses envolées que nous offrent ces caractéristiques montées agrémentées de flûte de pan.
Bagarre est parti pour baiser le Monde Jusqu’à la Lune
Après une petite pause, passée à slalomer de bar en bar entre les gouttes, on retrouve la chaleur réconfortante du chapiteau pour assister au set de Bagarre, le groupe qui fout la fièvre sur la scène hexagonale! Honnêtement, je découvre et ne suis pas sûr de savoir à quoi m’attendre… Certes, je connais de nom et j’ai déjà dû passer une fois ou l’autre par hasard devant un de leurs concerts, au détour d’une allée festivalière, mais ça s’arrête là. Alors, mettons fin au suspens directement : Bagarre m’a fait l’effet d’un coup de massue, une expérience dont je ne suis pas sorti tout à fait indemne.
Bagarre, c’est un pot-pourri des sons constitutifs de chacun des styles empruntés dans ce qu’ils ont de plus basique: rock, pop, electro, house, chanson française et parfois même quelques riffs dub ou trap. Le tout à la sauce punk dans son décorum. Mais ne leur parlez surtout pas de genres ou de catégories, Bagarre, c’est avant tout un état d’esprit. Les mecs vouent une foi inébranlable au Club et appréhendent la foule comme en seul homme. La frontière entre la scène et la fosse tombe, il n’y a plus d’artiste, il n’y a plus de public, il n’y plus qu’un grand tout qui saute et se rentre dedans jusqu’à ce que fusion s’ensuive. Même sur scène, le groupe fonctionne horizontalement. Tout le monde chante (ou personne diront à nouveau certains), tout le monde joue, les instruments passent de mains en mains. Certains y voient une soupe indigeste qui a du mal à passer, d’autres reconnaissent tout le génie que représente la prouesse d’être moyen dans tout plutôt qu’excellent dans un seul registre.
On est parti pour baiser le Monde jusqu’à la Lune !
Je suis passé de l’un à l’autre le temps d’un concert. Disons le franchement, Bagarre est une expérience qui se vit dans la fournaise de la fosse et ne revêt que peu d’intérêt du fond de la salle. Après un bon tiers de concert passé derrière la régie entouré d’oiseaux de mauvais augure (« arnaque auditive », « qu’est-ce que les gens leur trouvent? », « en fait, c’est le Salut C’est Cool de l’electro-pop »), je finis par me laisser entrainer par mes potos qui, sur une pulsion, effectuent un plongeon soudain dans la foule. Avant même de comprendre d’où est venu l’élan, on se retrouve dans le cratère chaud et fumant de l’antre de Dante.
C’est alors que la magie opère.
Nous sommes désormais Bagarre. Plus rien n’existe en-dehors de la bulle qui abrite le pogo qui m’embrase désormais. Je ne suis plus qu’un électron, une partie de la masse qui gravite dans le Chapiteau des Nuits du Botanique. Les ondulations du planché se font impressionnantes sous le martèlement des milles jambes de la bête. On est venu cherché Bagarre. Et Bagarre nous enflamme.
Si je pouvais niquer ta mère, j’irais niquer ta mère
Mais je ne sais pas où elle habite, je sais où est la bête
Et sans s’en rendre vraiment compte, on se retrouve tous à pogotter le majeur en l’air, en scandant d’une seule voix un “La Jeunesse emmerde le Front National“ qui tombe pile au moment où la ferveur qui m’entoure m’évoque le mythique concert des Béruriers Noirs au festival de Dour de 2004. Après un ultime rappel sur le hit Béton Armé, je m’extirpe tant bien que mal du chapiteau. Il me faudra quelques minutes pour m’en remettre…
Quand est-ce qu’on recommence?