Désormais seul membre d’un Klub des Loosers dont on a attendu impatiemment le retour, Fuzati déversait samedi soir son fleuve apathique de m·ots·aux désabusés sur le public conquis de l’Orangerie du Botanique.

En octobre dernier sortait Le Chat et autres histoires, nouvel album du Klub des Loosers, cinq ans après La Fin de l’espèce, opus qui en son temps consacra l’âge d’or d’un rap indé émancipé des codes. On retrouve donc le flow délicieusement désespéré du versaillais masqué sur des instrus plus jazzy-pop seventies, recalant les beats samplés au profit de refrains chantés. Et si Fuzati évolue aujourd’hui seul dans son club aux relents de dimanche pluvieux, c’est accompagné d’une config rock complète qu’il s’offre à nous sur scène.

Epaulé d’un live band rock – batterie, guitare, basse, clavier – garni de musiciens talentueux, décalés et polyvalents, Fuzati a offert au public de l’Orangerie une montée en puissance d’1h30, sans temps mort, maîtrisée du début à la fin. Du moins si on passe outre les petits soucis de balance instru/voix en début de set. Pas bien grave, mais juste de quoi déservir quelque peu notre immersion dans l’univers désabusé du bonhomme…

Non je n’veux pas changer le monde, laissons ça aux ados

En vieillissant on voudrait juste que le monde ne nous change pas trop

S’il fut très agréable de découvrir en live les titres plus pop du nouvel album, c’est dans les anciens morceaux, revisités par les musicos en chair et en os, que l’on se délecte réellement. On se demande subitement sur telle outro si le Klub des Loosers ne serait pas devenu du punk. Puis sur tel solo de guitare si ce n’est pas du metal. Avant de réaliser au fil des morceaux suivants qu’en fait non, c’est toujours bien du hip-hop. Mais aussi du jazz. Et de la pop. Avec toujours ce texte fleuve, ce flow de branleur surfant sur une musique de film de cul. Et d’enfin rester scotché sur un ‘final show’ atmosphérique, faisant la part belle aux larsens lancinants.

Pour le reste, Fuzati reste fidèle à lui-même, déambulant nonchalamment sur scène en toisant son public derrière son masque blanc. Abordant son espace avec l’humour cynique d’une cours de récréation. On prend du plaisir à le regarder kidnapper d’un geste vif les smartphones des spectateurs qui le filment d’un peu trop près, pour ensuite jouer avec sur scène et ne les rendre qu’en fin de concert. La foule enthousiaste s’offre en chorale sur chacun de ses classiques: Sous le Signe du VVolutesDe l’amour à la haine, ils y passent tous. Et on s’enfonce avec délectation dans ces manifestes monocordes qui dépeignent la réalité romancolique (oui, je viens de l’inventer celui-là) d’un monde que l’on observerait à travers la vitre embuée d’un noctambus: à la fois sale, lumineuse et trouble comme la vie. Délicieux.

“Le Chat et Autres Histoires”  – Klub des Loosers

Sorti le 13 octobre 2017 chez Modulor

Please follow and like us:
error
fb-share-icon