C’est sous la pluie et la grisaille que s’est ouverte la première journée de l’Inc’Rock 2016. Année du changement pour le festival incourtois, qui débute cette 12ème édition par un Urban Day florissant de grands noms de la scène rap francophone.
Agréable surprise en arrivant sur le site, l’implantation a été entièrement revue. Le chapiteau est désormais plus grand, plus long et à ses pied s’étend une plage plantée de palmiers qui, si elle n’était pas squattée par les flaques d’eau, offrirait au public un magnifique solarium déambulatoire. Le temps de prendre une petite Blanche de Namur au bar intérieur, pour faire comme si il y avait du soleil, et nous nous engouffrons sur une ING Stage flambant neuve.
Et c’est à Carpé, jeune rappeur en pleine ascension, que revient l’honneur d’ouvrir cette édition 2016 de l’Inc’Rock devant un public encore clairsemé mais bien présent. Accompagné par la voix de son frangin, d’un DJ en mal de dubstep et d’une claviériste quelque peu anecdotique, le p’tit gars balance un flow lourd qui ramène un brin de soleil sur Incourt. Des textes inscrits dans le réel qui alternent grosses punchlines et lyrics fatalistes, et qui atteignent toujours leur objectif.
Après un set assez court, qui nous laissera légèrement sur notre faim, nous gagnons la scène extérieure de la Win For Life Arena, où les belges de New School nous balance un hip-hop festif aux teintes créoles. Les quatre MCs et leur DJ sont bientôt rejoints par un guitariste qu’on regrette de ne pas garder plus longtemps sur scène. Fort à l’aise dans la communication qu’ils entretiennent avec le public, ils arrivent à faire oublier la pluie chassante qui balaye le visage des festivaliers.
Retour dans le chapiteau pour découvrir un Gandhi métamorphosé qui se présente désormais sous le blaze de G.A.N. Le rappeur arbore un style crooner, aux influences steampunk, petites lunettes rondes vissées sur les yeux et rastas ramassés en chignon sur le haut de son crâne. Une nouvelle gueule pour un nouvel album! Un show qui fait peau neuve et qui offre à l’artiste une maturité qui tombe à pic.
Pendant que le Reggaebus Soundsystem tente tant bien que mal d’achalander le public près de l’espace Province, des bras se lèvent devant Hamza sur les planches de la Win For Life ! Des lunettes de soleil sous les nuages, un peu (trop, beaucoup trop) d’auto-tune, une orientale platitude dans les instrus, des lyrics qui vouent un culte au leitmotiv… La soirée ne fait que commencer et le public se met en jambe! Tandis que nous, on passe notre chemin et on se réserve pour Youssoupha… Première grosse tête d’affiche de la soirée, le rappeur français est accueilli tel un héros par un public chaud comme la braise ! Les titres marquants du français en font danser plus d’un et les pieds désormais couverts de boue des festivaliers sautent haut au-dessus du sol ! Une très grande complicité s’installe avec le public qui connaît les titres par coeur; une scène remplie à ras-bord qui marque les esprits de la foule mais également du chanteur !
21h. Dans le talkie d’un vigile, une voix grésillante annonce que le festival est soldout et réclame de l’aide à l’entrée pour gérer la foule. Le site de l’Inc’Rock est désormais plein à craquer! On commence à avoir du mal à se faufiler mais ça ne nous empêche pas de rejoindre la grande scène pour le set de Caballero & JeanJass. Les deux MCs, qui annonçaient il y a peu une des collab’ les plus excitantes du rap belge de ce début d’année avec la sortie du titre ‘Repeat’, foutent le feu à une masse dense de casquettes et incarnent à la perfection ce qu’on peut attendre sur scène de la réunion des terroirs bruxellois et carolos. Des textes d’ambiance qui mettent en exergue le quotidien, des basses lourdes et vibrantes, une instru à la fois classe, jazzy et planante et une énergie qui ne manque pas de souffle. Les mecs imploseront littéralement le public en organisant un battle Songoku vs Végéta sous le retour de la pluie pour réchauffer les cœurs. De quoi nous rappeler que le rap belge a encore de beaux jours devant lui!
Mais le véritable événement de la soirée est encore à venir. Et déjà, la foule se met à affluer vers la ING Stage pour s’agglutiner petit à petit sous le chapiteau. La tension monte à près de dix minutes de l’entrée sur scène de Sniper. Une foule dense qui s’impatiente, comme on en a rarement vue sur le site incourtois. Et après plus de 8 ans d’absence, c’est devant le public en fusion de l’IRF que Sniper signe son grand retour! Le trio super-sayanise littéralement la foule en entamant son set par l’indémodable ‘Gravé dans la Roche’, et offre sans aucun doute à l’Inc’Rock une des plus belles crise d’hystérie collective de son histoire.
Rien à dire, on reconnaît “les voix qu’on aime, les mêmes signatures vocales. Après tout ce qui s’est passé, ils n’ont pas changé, c’est toujours les mêmes enfoirés, ils n’ont pas retourné leur stevé“… Sarko les qualifiaient de “voyous qui déshonorent la France“, nous, on dira d’eux qu’ils incarnent les hautes sphères de la mythologie hip-hop hexagonale. Et ça nous rappelle en même temps ce que le rap français fut, et ce qu’il n’est parfois plus… De l’énergie pure, des lyrics qui se font révolution, des flow super-complémentaires et des MCs plus fusionnels que jamais, malgré les années de séparation : un vrai kiff par intraveineuse! On se surprend à espérer que ça ne s’arrêtera pas…
Mais toutes les bonnes choses ont une fin (sauf la saucisse qui en a deux) et on se consolera avec le concert suivant qui accueille VALD pour poursuivre une soirée dont l’ambiance est désormais à son point d’orgue. Bonne prestation du jeune rappeur d’Aulnay-Sous-Bois, qui a su profiter de son charisme et de la lourdeur de ses instrus pour faire bouger le public encore bien motivé! Tout ça bien soutenu par un show light varié et travaillé avec lequel il joue souvent. Les refrains clamés en cœur par le public enflamment l’ambiance du chapiteau avec une setlist qui a laissé ses morceaux les plus connus pour le dernier quart d’heure. L’artiste bénéficiant déjà d’une fanbase conséquente n’hésite cependant pas à rappeler ses différents comptes de réseaux sociaux, excellente communication dans son style. Il a promis au public une sortie de son nouvel album avant 2017. Ceux qui n’étaient pas là ce soir ne doivent pas rater son retour en Belgique à Dour cet été!
La soirée s’écoule et on se met à regretter que cette mauvaise habitude de ponctuer les fins de morceaux par ce son de bris de verre aussi grossier que caractéristique – dont le milieu hip-hop US a tendance a surabuser – se généralise désormais à la scène française.
Rédaction : Nicolas Boulanger, Gaël Rinclin, Jonathan Piroux
