C’était le cadeau d’anniversaire de Maman. Un reste d’avril patiemment attendu. Delpech allait voir Johnny à Vegas, nous c’était Pagny à Liège-as. Moins loin, mois coûteux, maistant que l’émotion de la musique la faisait vibrer. Direction donc pour le Country Hall. Chance, grand calme sur la route, pas de travaux qui nous auraient donné l’envie d’entonner « Chant(i)er ». Juste quelques bouchons à l’approche de Country Hall. Rien de plus normal, le concert est sold out depuis longtemps et Pagny est l’un des artistes en vogue qui n’a pas à souffrir de la bouderie de ses concerts. Et c’est d’ailleurs fou de voir la grand échelle des âges, que le petit bonhomme (1m66) à la grand voix est capable de mobiliser: des gosses sans doute regagner par beaucoup d’affection pour la star de The Voice, ceux qui ont grandi avec Monsieur Pagny et pas mal d’aînés aussi. Il n’y a pas d’âge pour faire de Pagny sa religion!
Vianney ouvre la soirée
Mais avant de voir le plus baryton des chanteurs français, tradition oblige, deux dames devant tentent de deviner la première partie: « On aura Dorothée, la première demi-heure et Chantal Goya pour la seconde! » Oui oui, et Florent Pagny qui fera le chat botté! Au final, c’est un jeune homme seul à la guitare qui ouvre le bal: son nom Vianney. À 23 ans, son album « Idées Blanches » vient de sortir et est un mélange de beaucoup de tendresse avec beaucoup d’amour mais aussi d’humour (« Je sens l’amour jusque sous les aisselles« ). Une voix nasillarde qui a eu un peu de mal à enflammer le public, massif, qui a finalement pu s’emballer sur un « Je te déteste » rappelant un peu le tempo d’un certain… Stromae.
« Florent, c’est N’importe quoi! »
Vianney laisse place à… entracte, le temps pour moi de demander à maman ce qu’elle voudrait entendre. « La première! » Ben oui ça va de soi, tout le monde attend qu’il monte sur scène, maman! « La première… que j’ai entendue à la radio, je m’en souviens comme si c’était hier! » N’importe quoi! À peine le titre de la chanson des origines prononcé que toutes les lumières s’éteignent pour laisser place à des rayons balayant la salle aux milliers de spectateurs. Une longue instrumentale complète l’impatience à son comble: « Quand est-ce qu’il arrive? »
Puis, comme un extra-terrestre (ne l’est-il d’ailleurs pas un peu?), dans une entrée à la Johnny, voilà le Florent qui descend du plafond, sur une plateforme, habillé tel un mousquetaire (croix dans le dos) qui aurait volé le foulard pirate de Jack Sparrow: un seigneur est à Liège ce soir! Et les nobles et grandes notes sont au rendez-vous, déjà: les Murs porteurs emportent le public, déjà bien ardent. Après deux chansons (le sublime Châtelet les Halles), Florent Pagny pourrait presque déjà repartir, tant il a déjà tout prouvé de son talent, avec une voix identique à celle des albums, encore plus émotionnelle. Et ce, dans une facilité déconcertante: sautillant tel un pantin funambule et faisant tourner son micro comme on se sert d’un lasso, Pagny attrape sans peine l’un des plus grands spectre vocal de la chanson française.
Bashung et Plastic Bertrand
C’est une démonstration, The Voice c’est lui, mais avec ce supplément d’âme à chaque chanson (on ne compte plus les coups de cœur, mais s’il ne devrait il y en avoir qu’un ce serait sans doute Souviens-toi). Une démonstration, certes, mais loin de celles, froides et trop précises, qui ne font rien ressentir d’autre que de l’émerveillement. Il faut dire que le chanteur baryton est bien aidé par un répertoire sans faille dont il a choisi la quintessence pour cette tournée « Vieillir ensemble ». Avec l’audace aussi de reprendre certaines chansons qui n’ont pas fait partie des hits mais collent parfaitement à l’identité donné à ce spectacle: J’parle même pas d’amour ou Mon amour oublie que je l’aime. Mais le chanteur n’oublie pas non plus le public, parlant longuement et simplement, sans phrases formatées dites et redites à chaque concert. Et quand vient la traditionnelle reprise, on évite l’un ou l’autre monument de Brel pour une reprise… de Bashung. « On a voulu s’amuser un peu ». Et une instru rock’n’roll démarre pour lancer un improbable Oh Gaby façon Plastic Bertrand, sautillant et intenable. Confirmation que Pagny peut absolument tout chanter! Et en tout Liberté de chanter, le voilà qui enflamme le public, ça danse, ça chante, ça crie, ça sue, la salle ne fait qu’un homme. Avant un Bienvenue chez moi magnifié par les arrangements et un zeste de cuivre.
Et quand vient le rappel, frissonnant d’engouement, c’est un Pagny qui a la chaleur au coeur qui revient: « Je n’ai même pas besoin de vous le dire, tellement vous savez aimer« . Bien sûr qu’il ne pouvait pas passer à côté de se Savoir Aimer! Bon, c’est bien beau, mais N’importe quoi? Devant l’enthousiasme du public, « exceptionnel« , Florent Pagny ne pouvait partir comme ça. Et de chanter « la chanson par laquelle tout a commencé« . Dis-moi, pourquoi t’es comme ça, Pourquoi ça va pas, Pourquoi t’essaies pas, Pourquoi tu veux pas… Le voilà le cadeau dans le cadeau de maman, qui désespérait de l’entendre.
Et la lumière de s’éteindre, le chanteur libertaire de regagner sa navette, sa planète pour d’autres aventures après 1h40 de grandes vocalises. Et nous de constater qu’il n’a sans doute jamais été aussi populaire (après quelques années plus difficiles, peut-être fallait-il un Calogero et Vieillir avec toi, comme un Goldman en son temps, pour relancer une carrière parfaite?), et qu’il est à voir au moins une fois dans sa vie, voire mieux, voire plus. Car oui, il y a affinité! Car oui, c’est l’un des meilleurs concerts d’un chanteur francophone que j’aie vu.
Les photos de Christelle Anceau sont à retrouver ici